Bois de Boulogne



Elle prendra successivement le nom de bois de Saint-Cloud et bois de Boulogne.

Plan général de la forest de Rouvray dite Bois de Boulogne et des châteaux de Madrid et de La Muette avec les bourgs et villages qui les environnent : Jules-Hardouin Mansart

A l’origine, c’était une forêt qu’on appelait Rouvray ou plutôt Rouveret (Roveretum), car le chêne-rouvre (quercus robur) en était l’essence dominante.
Cette forêt paraît avoir été entamée pour la première fois vers la fin du VIe s. de l’ère chrétienne.

Quelques huttes de paysans en échancrèrent alors la lisière orientale, sur le bord du fleuve. Ce premier village s’appela Nimio en latin, Nijon en langue vulgaire. Peu à peu, le terrain environnant fut défriché, et les habitants y plantèrent de la vigne. Vers le commencement du me siècle, en 623, saint Bernard, évêque du Mans, qui, soit par donation du roi Clotaire II, soit par des acquisitions subséquentes, était devenu propriétaire de Nijon et de tout son territoire, légua ce domaine à la ville de Paris, ou, plus vraisemblablement, à l’évêque de cette ville.

Tout porte à croire que Nijon était situé au bas du coteau où s’élevèrent plus tard Chaillot et Passy.

Ces deux villages, ainsi qu’Auteuil, existaient au commencement du XIIIe s., et la forêt de Rouvray avait
considérablement diminué de ce côté-là. A l’occident, le hameau nommé d’abord Menuz-lez-Saint-Cloud, puis Boulogne, et un petit port établi sur le point où la route de Paris à Nanterre rencontrait la Seine, en avaient aussi dévoré une partie.

A la révolution de 1789, les débris de cette forêt parsemaient encore de leurs bosquets touffus les grandes plaines qui entourent le bois actuel au N. et au S. C’étaient de vastes enclos, appelés remises du roi, et dans lesquels des gardes nourrissaient et propageaient le gibier. Plusieurs de ces remises couvraient le versant septentrional de la colline de Montmartre et s’étendaient même jusqu’aux portes de la ville de Saint-Denis. Aujourd’hui, les parcs de Monceaux et de Saint-Ouen témoignent seuls de la vaste étendue qu’avait jadis la forêt de Rouvray.

Au XIVe s., le bois de Saint-Cloud était infesté de voleurs et d’aventuriers. Un convoi qui contenait les
bagages de Duguesclin y fut attaqué et pillé en plein jour. « C’est grand’pitié, sire, écrivit le connétable au roi Charles V, qu’à deux lieues de votre capitale on ne puisse voyager en sûreté, et qu’on soit exposé aux coups de main des larrons.

A la paix prochaine, je ferai avec mes hommes d’armes, si Votre Majesté le permet, une chevauchée
durant laquelle je purgerai la contrée de cette vermine. » Mais, malgré la permission accordée par le
roi, Duguesclin n’eut pas le temps de faire main basse sur ces malandrins téméraires, « qui ne respectaient pas, selon les expressions de Charles V, les nippes de ses capitaines et qui dépouillaient son peuple. » Pendant plus d’un siècle, la réputation du bois de Saint-Cloud ne fut guère meilleure que celle de
la forêt de Bondy, de sinistre mémoire. Louis XI et son barbier Olivier le Daim, nommé grand gruyer [1] de la garenne de Rouvray, parvinrent à garantir d’abord au gibier, puis à la gent humaine, toute la sécurité désirable.

Louis XI avait donné la forêt de Rouvray, érigée en seigneurie, à son médecin Jacques Coytier, que le
Parlement en dépouilla dès que son royal malade eut rendu le dernier soupir. Ce fut à peu près à la même
époque que le nom de bois de Boulogne prévalut. Plus tard, François Ier, ce roi si passionné pour la
chasse, régularisa l’enceinte du bois, qui s’étendait encore jusque dans la plaine de Clichy ; il l’entoura de
murs, il y fit des plantations, il le peupla de gibier, il l’exonéra d’anciennes redevances et servitudes,
enfin, il éleva le château de Madrid.

Henri II et Diane de Poitiers y donnèrent des fêtes brillantes ; Charles IX y construisit la Muette et y présida à des chasses splendides ; Henri IV y fit planter des mûriers pour y acclimater l’industrie de la soie ; Louis XIII y chassa quelque fois, mais Louis XIV l’abandonna pour Versailles ; et, si Louis XV y revint, ce ne fut que pour se livrer plus librement à ses débauches dans le château de la Muette.

Vers la fin du XVIIIe s., les premières courses de chevaux organisées en France eurent lieu au bois de Boulogne, que les pèlerinages mondains de Longchamp avaient mis à la mode. Louis XVI y passait
tous les ans la revue des gardes françaises ; Parmentier y fit, en dehors de la porte Maillot, les premiers essais de naturalisation de la pomme de terre ; enfin, de nouveaux châteaux, Bagatelle, Neuilly, Boulogne, Madrid-Maurepas, Saint-James et le Ranelagh s’élevèrent, autour de son enceinte.

La Révolution dispersa, puis décima la société aristocratique ou littéraire, qui peuplait alors le bois
de Boulogne et ses environs ; elle détruisit une partie de leurs habitations ; elle fit plus, elle abattit,
pour se procurer du combustible, d’immenses taillis rendus depuis à la culture ou devenus des villages
et des villes. Négligé, abandonné par l’État, saccagé par les populations voisines, le bois de Boulogne
redevint un repaire de vagabonds et de voleurs, qui y détroussèrent souvent des promeneurs imprudents, s’ils n’osèrent pas y voler les nippes des capitaines obligés de le traverser pour aller à Saint-Cloud auprès de l’Empereur. Napoléon, voulant lui rendre sa beauté et sa sécurité perdues, y ordonna de grands travaux. Sous son règne, on le reboisa, on en releva les murs, on y traça de nouvelles allées, on y renouvela le gibier presque entièrement détruit, on y établit des gardes qui en expulsèrent les malandrins. Mais tous les projets conçus et préparés ne purent pas être exécutés. En outre, lors de la seconde invasion, l’armée anglaise abattit la partie comprise entre le Ranelagh et la porte Maillot, pour s’y installer et se chauffer. Un incendie détruisit ce premier camp, qui dut être reconstruit aux dépens des arbres restés debout. Bien des chênes,
contemporains de François Ier, tombèrent alors sous les cognées britanniques. Les Prussiens et les Rus-
ses commirent aussi quelques dégâts sur d’autres points. Bref, quand les Alliés se retirèrent, le bois de
Boulogne n’était plus qu’une sorte de lande couverte de débris et de bruyères. Un petit nombre de massifs, situés autour de la croix Catelan, de la porte Maillot, de la mare d’Auteuil et de la porte de Longchamp, avaient seuls échappé à leurs ravages.

Louis XVIII entreprit de faire disparaître les traces trop visibles de ces désastres. D’immenses planta-
tions furent alors faites dans les allées. On substitua aux chênes, qui ne se couvrent guère de feuilles
qu’au mois de juin, des platanes, des sorbiers, des acacias, des marronniers, des sycomores ; on planta des massifs d’érables, de sapins, de cèdres, de genévriers, d’yeuses ou chênes verts, de mélèzes ; mais les beaux arbres ne s’improvisent pas.

Toutefois, pendant une partie de la Restauration, le bois de Boulogne reçut peu de visiteurs en vue.

Après la révolution de Juillet, il reprit pourtant plus d’animation. Ses allées droites et mal entretenues
redevinrent aussi fréquentées qu’aux beaux jours de son ancienne vogue ; on s’y promenait surtout pour s’y
faire voir. La foule, qui s’y entassait par caprice et par vanité dans les parties les plus poudreuses, n’avait pas assez d’esprit pour découvrir les rares promenades qu’il pouvait offrir encore aux véritables amateurs et aux artistes. Sa contenance était alors de 765 hectares (13 760 mètre de clôture), et on y entrait par douze portes.
On y trouvait, écrivait en 1836 l’auteur des Chroniques de Passy, des endroits assez solitaires pour s’y livrer à plus d’un genre de combat, et les rendez-vous qui s’y donnaient n’avaient pas toujours pour objet d’heureuses rencontres.

Parmi les duels célèbres dont le bois de Boulogne a été le théâtre, figure en première ligne celui du
comte d’Artois (Charles X) avec le duc de Bourbon (le dernier des Condé), en 1778. Le comte d’Artois
avait insulté au bal la duchesse de Bourbon. Le duc, qui faisait d’ailleurs fort mauvais ménage, lui demanda raison de cette injure. Les deux adversaires se rendirent donc sur le terrain ; mais à peine avaient-ils croisé le fer qu’un ordre du roi mit fin au combat qui n’était pas même commencé. Aussi le peuple appela-t-il cette rencontre le duel pour semblant.

M. Quillet cite un autre duel, plus singulier et dont le résultat fut plus sérieux. C’est celui d’une Française
et d’une Polonaise qui se disputèrent, l’épée à la main, le cœur d’un chanteur de l’Opéra nommé de
Chassé. La Française fut blessée après sa guérison, on l’enferma dans un couvent. La Polonaise se vit forcée de quitter la France. Quant à de Chassé, le duc de Richelieu le pria, au nom du roi, d’être plus réservé
dans sa conduite.

« Dites à Sa Majesté, répondit de Chassé, que ce n’est pas ma faute, mais celle de la Providence, qui m’a
créé l’homme le plus aimable du royaume.

— Apprenez, faquin, répliqua le duc, que vous ne venez qu’en troisième : le roi passe avant vous, et
moi après le roi. »

Aujourd’hui on ne se bat plus en duel au bois de Boulogne, on s’y brûle rarement la cervelle, on ne
s’y pend presque jamais, on a presque cessé de s’y promener à âne ou sur des chevaux de louage. Si quel-
ques amoureux s’y donnent encore des rendez-vous, ils ne peuvent plus s’y égarer dans les bosquets trop
bien percés ou trop bien surveillés ; car le bois a subi une transformation telle que les habitudes, les manières, les mœurs, la toilette même des populations diverses qui en habitent les alentours ou qui le fréquentent d’ordinaire, ont dû nécessairement se modifier. En un mot, ce n’est plus un bois, c’est un
parc.

Diminué du côté d’Auteuil, le bois s’est augmenté du côté de Boulogne et de Longchamp de 200 hectares de terrain acquis par la ville de Paris, et comprenant la plaine de Longchamp, les sports de Longchamp et l’ancien parc de Madrid-Maurepas.

Le bois de Boulogne en 1870

Vers la fin du XIVe s., Henri III avait eu une singulière idée : il s’était proposé de transformer le bois
de Boulogne en cimetière. Il aurait fait élever dans un point central, auquel auraient abouti six grandes
allées, un magnifique mausolée pour y déposer son cœur et ceux des rois ses successeurs. Chaque
chevalier de l’ordre du Saint-Esprit, qu’il avait fondé en 1598, se serait construit un tombeau de
marbre orné de statues et séparé des tombeaux voisins par un petit espace sur lequel auraient été plantés des ifs taillés de diverses manières. « Dans cent ans, disait Henri III, ce sera une promenade bien amusante ; il y aura au moins quatre cents tombeaux dans ce bois. »

Heureusement l’empereur Napoléon III a vécu longtemps en Angleterre avant que la République lui
permît de rentrer en France ; il sait mieux que personne combien les jardins publics de Londres sont supérieurs aux nôtres. Dès les premiers mois de l’année 1852, il songeait à doter Paris de l’un de ces
parcs qui font l’agrément et la gloire de Londres. De 1848 à 1852, le bois de Boulogne avait fait partie
du domaine de l’Etat ; un décret du 2 juin 1852 le céda à la ville de Paris aux conditions suivantes : 1° de
subvenir à toutes les dépenses de surveillance et d’entretien ; 2° de faire, dans un délai de quatre années, des travaux jusqu’à concurrence de 2 millions pour l’embellissement du parc et de ses abords ; 3° de soumettre à l’approbation du gouvernement les projets de travaux à exécuter, et 4° de conserver leur destination actuelle aux terrains concédés.

A peine ce décret était-il rendu, que la ville prenait possession de son nouveau domaine. Un habile architecte-paysagiste, M. Varé, remplacé depuis par un ingénieur des ponts et chaussées, M. Alphand, et par M. Barillet-Deschamps, jardinier en chef, traça les plans du parc projeté, d’après les indications que lui avait fournies, assure-t-on, l’empereur Napoléon III.

Les plans adoptés, — sauf modifications, — les travaux commencèrent. Ils ont duré plusieurs années et coûté bien des millions ; mais aussi le bois de Boulogne a subi une transformation complète et il est devenu l’une des plus belles promenades de l’Europe.

En effet, outre qu’il a donné de gracieux contours aux allées, il a abattu un certain nombre d’arbustes qui
empêchaient les regards des promeneurs d’atteindre les plus beaux arbres ; il a ménagé à la vue de
plus larges perspectives et groupé en massifs, sur divers points, les essences les plus propres à l’attirer ; il a étendu sur ces terres sablonneuses de brillantes nappes d’eau et de vastes tapis de gazon.

Enfin, des abris rustiques ont été construits en divers endroits pour les cavaliers et les piétons surpris
par l’orage.

Le parc de Boulogne n’a maintenant qu’un défaut : il est trop éloigné de Paris. Il faut être oisif et riche pour pouvoir aller s’y promener souvent ; car, à moins d’habiter les villages voisins, on est obligé de s’y faire transporter en voiture. Le dimanche, cependant, la foule y est grande et très mélangée : toutes les
classes de la société parisienne se trouvent représentées dans cette multitude qui s’entasse à pied, à
cheval, en voiture, le long de l’avenue de l’Impératrice et sur les bords des rivières et des lacs. En
général, le bois de Boulogne reste presque complètement désert jusqu’à deux heures de l’après-midi.

La porte de Longchamp était à 2300 mètre de Passy et à 800 mètre environ du pont de Suresnes, d’où

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