Famille Joseph et Claire Agresti - 9 rue Radeau Marseille
Témoignage de la famille Agresti qui a vécu la rafle du quartier Saint-Jean le 24 janvier 1943.
Joseph AGRESTI est né en 1893 à Rome. Claire MENERELLA est née en 1888 à Formia, ville située entre Rome et Naples. Avec leurs familles, ils ont quitté l’Italie et tous deux sont arrivés à Marseille dans leur petite enfance. C’est là qu’ils ont grandi.
Ils se marient le 22 novembre 1919. Le mariage religieux est assuré par l’Abbé CAILLOL, curé de la paroisse Saint Laurent de 1917 à 1943. Ils vont habiter au 9 rue Radeau avec leurs trois enfants : Roger, Nicolas et Sauveur.
La rue Radeau est une artère animée qui part du Quai du Port et va jusqu’à la place de Lenche. Leur immeuble comprend cinq appartements répartis sur cinq étages.
Comme des milliers de marseillais ils ont subi la rafle du 24 janvier 1943 et le transfert vers Fréjus via la gare d’Arenc. La famille retournera à Marseille après quelques jours de détention à l’exception de l’aîné des enfants, Roger, qui venait d’avoir 21 ans.
En effet, l’Allemagne a besoin de main-d’œuvre (extermination par le travail). Roger est transféré au camp de Royallieu-Compiègne où il reste 3 mois. Il s’agit d’une ancienne caserne de l’armée française transformée en camp d’internement par les occupants hitlériens. « Compiègne, c’était la faim, l’horrible faim, le froid, la promiscuité, la saleté, les poux, les appels, le désœuvrement, la mort qui déjà emportait les plus faibles1. »
Le 28 avril 1943 il part en wagons plombés pour être déporté au camp de Sachsenhausen, au nord de Berlin. Il va connaître pendant deux ans toute l’horreur de l’univers concentrationnaire nazi, la torture pour tentative d’évasion, les Kommandos disciplinaires, la marche de la mort lors de l’évacuation du camp. Il en revient le 24 mai 1945 et décrit ainsi son retour à Marseille :
« Nous foulons le sol de la gare Saint Charles entre une double haie de gens qui attendent, certains de simples voyageurs, d’autres les plus nombreux, les rentrants d’Allemagne, prisonniers, déportés, requis ou autres.
Les déportés avons droit à une attention particulière. On te touche, on veut te serrer la main, on te tape sur les épaules, on t’embrasse.
Je suis ahuri, un peu saoul de toutes ces attentions quand soudain un homme en uniforme de la Marine me prend dans ses bras, m’embrasse à m’étouffer. Je n’avais pas reconnu mon frère qui me dit : « Roger, c’est Nicolas ». Je ne savais pas, bien sûr, que mon cadet s’était engagé dans la Marine pour la durée de la guerre.
Mon premier mot fut : « Papa ? ».
Mes pressentiments se vérifiaient. Mon père était mort depuis janvier 1944... 2 »
1 Récit de Roger AGRESTI écrit entre 1994 et 1996
2 Ibid