LDE carnet de route p.80 1918

  • 7 janvier 2015
« Vendredi 3 et 4 mai. ━ Le Bataillon ne bouge pas. »

Aménagement des cantonnements.

Dimanche 5 mai. ━ Départ au lever du jour.

Nous avançons vers le nord-ouest, c’est tout ce que nous savons. Sur les routes, nombreuses troupes. Bivouac à Saint-Maur (Oise) après 27 km. de marche.

Lundi 6 mai. ━ Nous repartons à 4 heures du matin.

Nous avons bouclé nos sacs dans le noir d’une nuit d’encre et silencieusement le Bataillon encore engourdi avance avec une allure de plus en plus accélérée.
Les premières lueurs du jour peu à peu nous éveillent et jettent de légers reflets sur les vagues de casques gris. Traversons Grandvilliers en défilant devant une haie de cavaliers (chasseurs) qui nous présentent les armes.
Nous sommes entrés dans la zone Anglaise et les Tommies pullulent dans les villages. Voici Poix-de-Picardie, petite ville coquette et assez importante. Massés sur les trottoirs les habitants souriants nous acclament. De maison à maison ce n’est qu’un cri : « Voici les Français ! Nous sommes sauvés ! » On croirait pénétrer dans un pays étranger menacé par une invasion, et les habitants acclamant le pays ami qui vient les sauver. Depuis plus d’un an ces gens n’avaient plus vu un soldat Français et l’Anglais qui était chargé de la garde du secteur, a cédé puis fui devant la furieuse attaque Allemande. Nous bivouaquons à Bussy-lès-Poix après 30 km. de marche. Où nous mènera-t-on ?
Entre Anglais et nous, peu de cordialité. Ces hommes blonds au teint clair, coloré, ont cependant belle allure. Il est vrai qu’ici c’est l’arrière. Méprisés par la population, ils gardent cependant toute leur morgue. De nos rangs s’échappent quolibets et railleries à leur adresse, mais ils ne comprennent pas.

Mardi 7 mai. ━ Départ de Bussy-lès-Poix à 11 heures et arrivée à Épaumesnil à 7 heures du soir : 22 km.

Le lendemain le Régiment parcourt quelques kilomètres et s’installe à Croquoison après avoir contourné Amiens par l’ouest. Nous sommes dans la vallée de la Somme, pays d’origine du Régiment.

Jeudi 9 mai. ━ Repos à Croquoison.

On ne s’explique pas ce départ précipité de Toul, qui se termine en promenades dans la campagne Picarde. L’ennemi est à 15 km. à l’est d’Amiens, près de Marcelcave où la bataille piétine dans le sang.
Harquey, notre caporal, nous quitte. Il doit suivre un cours d’élève-aspirant à Saint-Maixent-l’École. Peut-être a-t-il fini la guerre ? Le caporal Hette de retour de Salonique le remplace.

Vendredi 10 mai. ━ Le Régiment embarque à Longpré-les-Corps-Saints sur la ligne Amiens-Calais.

C’est donc pour le nord, mais pourquoi cette ballade autour d’ Amiens. On raconte, mais celle-là est dure à avaler, que nous devions débarquer à St-Pol dans le Pas-de-Calais, et que par erreur, on nous a déposés à St-Paul dans l’Oise. Comme un colis postal le Régiment aurait été l’objet d’une erreur de destination.
━ Ça fait rien, dit Jaffrézic, accroupi dans le fond du wagon, on aura toujours tiré ça.
━ T’as raison, grogne Beuzelin ; j’ préfère allonger mes tiges sur la route que poser mon croupion dans le fond d’une tranchée.
Le train a quitté Longpré et s’arrête un instant à Abbeville. Abbeville était le dépôt du Régiment avant 14. Malgré l’interdiction, des hommes sautent et vont faire une surprise aux connaissances de la gare.
Le convoi est reparti et longe la côte aux plages basses et sablonneuses. On passe Étaples, puis Boulogne-sur-Mer où nous admirons la statue de Napoléon tournée vers l’ Angleterre. À ses pieds un camp anglais. Voici Calais, puis rapidement Dunkerque, ville meurtrie par les bombes. Il fait un temps assez froid. La nuit est tombée et le train avance très lentement dans les plaines des Flandres. Débarquons à Isenkerke en Belgique. Marche de nuit à travers une plaine embrumée. Comme un cortège d’ombres le Régiment avance sur une route pavée. On repasse la frontière et revenons en France. Le douanier de service est à son poste et nous laisse passer sans difficultés. On avance toujours lourdement sous un ciel étoilé qui répand sur la plaine une douce clarté d’où émergent des rangées d’arbres.
Passons à Oskorn et stoppons à Rexpoelde.

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