LDE carnet de route p.121 1918
Jusqu’au 12 août, le Régiment enterre ses morts et récupère les épaves de la bataille. Le commandant Bréville, retour de permission, nous a rejoint.
Le 23e et le 42e sont redescendus du secteur de la Vesle où l’ennemi s’est puissamment retranché et le 12 août toute la D. I. est emportée par de longues colonnes de camions.
Nous quittons définitivement cette région où nous avons combattu sans trêves durant 14 jours. Nous y laissons beaucoup de nous-mêmes par tous nos camarades tombés sur ce dur calvaire qui va de Faverolles à Cramaille.
C’est au nord de Meaux, dans de nombreuses fermes, que les camions nous ont déposé. On réorganise le Régiment renforcé par des hommes qu’on a récupéré sur la masse des ouvriers des usines du pays.
C’est l’armée Clemenceau, selon l’expression de la presse. Ce sont des hommes peu instruits manquant de formation militaire.
Rogerie blessé à Locre est de retour à la Compagnie. Il est affecté à mon escouade. C’est un d’avant 14.
Bien que de la classe 17, je suis actuellement un des plus anciens de la section.
Le repos complet a duré 15 jours. Quinze jours de véritable délassement. Le Régiment a organisé des fêtes, des journées sportives et du théâtre. On s’est efforcé de nous distraire et d’éloigner le souvenir des jours passés. Cependant la lassitude ne m’a pas abandonné et je me sens gagné par une grande fatigue morale. J’appréhende les combats qui nous attendent et je n’ai jamais ressenti quelque chose d’analogue.
Le 20 août, les camions nous enlèvent et nous débarquent entre Compiègne et Soissons.
Le Bataillon cantonne à Laversine. Sur le plateau, des débris d’armes, de caisses à munitions, de paquets de pansements, de dossiers de Compagnies marquent l’âpreté d’une bataille récente.
Il s’agit d’un régiment de tirailleurs algériens qui a dû essuyer d’effroyables pertes.
Le 25, nous sommes près de Soissons. Nous allons vers une nouvelle offensive. Secteur du Moulin de Laffaux. Région célèbre qui a eu maintes fois les honneurs du communiqué.
On doit déloger le boche de puissantes carrières et tenter de rompre le front.
Le 27, nous nous arrêtons à Nouvions, à 3 km. au nord-ouest de Soissons. Le front est à quelques kilomètres.
Ma section occupe une carrière sous un mamelon boisé. On distingue d’ici la capitale du Soissonnais d’où s’élèvent des fumées noires.
On nous signale la présence de centaines de tanks à Osly, village voisin.
Avec Coutant, du 2e Bataillon, je rejoins la route, pour voir défiler ces engins de fer. Ils défilent avec un bruit de ferraille et de moteur. Impression de force et de puissance.