LDE carnet de route p.72 1918
Vendredi 22 février. ━ À l’actif de l’attaque : 215 prisonniers.
Un gros renfort arrive du D.D. Ce sont presque tous les soldats relevés de Salonique. D’après eux la vraie guerre c’est à Salonique qu’on la voit. Le front Français serait de tout repos. Les pauvres ! ils vont vers de dures désillusions.
À l’escouade est affecté un Breton, Gorgue. Il n’arrive pas de Salonique, c’est un retour de blessure.
Samedi 23 février. ━ Service funèbre pour nos camarades tués à Réchicourt-la-Petite.
Assistance considérable.
Dimanche 24. ━ Repos complet.
Cartes, pinard et pipes. On nous a changé nos effets. Ils étaient loqueteux.
L’après-midi, le régiment est rassemblé avec le drapeau. Le Colonel passe sur le front des compagnies déployées et remet des décorations.
Légion d’honneur au Capitaine Cléry,
Médaille militaire au Sergent Vacher.
Vacher est toujours le guerrier splendide, calme en toutes circonstances. Je ne l’ai jamais vu s’abriter, ni hésiter dans les cas les plus dramatiques. Depuis 14, il fait la guerre avec cette simplicité qui fait l’admiration de ses hommes.
Je suis proposé pour une nouvelle citation.
On n’est pas entièrement satisfait de la 2e Compagnie à l’ État-Major. On enquête sur la mort du lieutenant Hocquet et des quatre autres tués restés dans les lignes ennemies.
On nous reproche de les avoir abandonnés.
Ces Messieurs n’avaient qu’à venir pour les ramener, nos morts.
Lundi 25 février 1918. ━ Le régiment a pansé ses blessures.
Des camions nous déposent le soir à Valhey où la neige nous accueille. Cantonnons à Serres, à 5 km. derrière les Jumelles. Dans 4 jours nous monterons à la Patte d’ Oie.
Mardi 26 et mercredi 27. ━ La Compagnie pose des barbelés et creuse des tranchées devant le village.
Nous travaillons dans la boue froide et glissante.
Bihan, notre caporal est nommé sergent et Harquey passe caporal de l’escouade.
━ Si ça dure, déclare Beuzelin, on aura bientôt des ficelles. Faut arroser ça !
Le soir l’escouade chante et hurle autour du seau de pinard payé par Harquey.
Jeudi 28. ━ Le commandant Jeantis, du 3e Bataillon, prend le commandement de notre Bataillon.
Repos. Activité de l’aviation et canonnade de nuit.
Vendredi 1er mars. ━ La nuit dernière, l’ennemi a fait un coup de main sur le 42e R. I. .
Il a emmené 14 des nôtres. Le secteur devient plus agité.
Jusqu’au 5 mars la Compagnie ne bouge pas et reste au repos.
Mardi 5 mars. ━ À 7 heures du soir, la Compagnie quitte Serres sous une neige pourrie.
Après la Patte d’Oie quittons la route d’ Arracourt et sur notre droite grimpons sur une crête boisée. À travers pistes et chemins de terre les sections traversent des bois touffus. La nuit est calme, mais près de nous un 75 mm crève le silence de sa gueule hargneuse. La détonation s’éloigne en modulations harmonieuses dans le sillage de l’obus.
Nous arrivons et occupons un immense abri : tous les hommes de la Compagnie s’installent dans des couchettes superposées.
Mercredi 6 mars. ━ Nous sommes entre la route d’ Arracourt et le village de Bathelémont, à 500 mètres de la première ligne.
Le lieutenant Mansard de la 1er Compagnie prend le commandement de la 2e en remplacement de Malgarny.
Abrités par la forêt posons du barbelé au bas de la côte. Nombreux 75.
Le soir, le sous-lieutenant Artanse du 3e Bataillon prend le commandement de la 4e section à la place du lieutenant Hocquet. Vacher assure le rôle de chef de section par intérim.
Toute la nuit les 75 poussent leurs coups de gueule mais nous ne recevons aucun obus.