LDE carnet de route p.100 1918

  • 16 janvier 2015

Le Capitaine est sans aucune liaison avec sa droite. Des agents de liaison assurent que c’est le 20e R.I. qui serait dans cette direction. Un régiment d’Agen.
Soupe chaude. La nuit est magnifique de douceur et de clarté. Les hommes affaissés et groupés dorment paisiblement, adossés au talus de la carrière. Sur nos têtes, les arbres dressent leurs masses lourdes où passent en filtrant les clartés du ciel. Pas un bruit. La bataille s’est éteinte avec la lumière.
Repos dans les deux camps et demain... ?
J’ai bien dormi. Les cuistots sont montés et le jus était chaud et bien sucré.
À la fraîcheur du jour, l’artillerie allemande nous arrose au petit bonheur. Les projectiles éparpillés passent isolément.
━ Allez, les gars !... sac au dos
20 juillet 1918. - Très vite la section est sur pied.
Les culasses des fusils claquent nerveusement et en avant !
Derrière le Capitaine Cléry, nous atteignons la lisière du bois ; le 2e Bataillon va sortir de Rozet-Saintt-Albin dont les premières maisons émergent d’une dépression.
La bataille s’allume. La canonnade et la fusillade s’amplifient. Jumelles en mains, le capitaine observe.
Des obus en miaulant viennent s’égrener devant nous et abritée derrière les arbres, la section attend l’ordre de partir.
Mais qu’y a-t-il ? La fusillade s’est arrêtée et un coureur arrive essoufflé ; le 2e Bataillon n’a pu déboucher du village. Il a été cloué sur place par les tirs de mitrailleurs qui battent toutes les sorties.
Ordre au 1er Bataillon de rentrer dans le village pour renforcer nos camarades.
Au pas de course le Bataillon est sorti du bois. Quelques hommes tombent touchés par des fusants. Derrière le Capitaine et l’Adjudant Caillouet j’entraîne mes hommes. Nous entrons dans le village par un chemin creux. Les maisons sont adossées à une falaise creusée de carrières profondes, et nous occupons l’une d’elles.
Nous apprenons que le 2e Bataillon est revenu sur ses positions de départ, laissant ses morts sur le terrain.
L’attaque sera reprise ce soir.
Dans la journée je fouille une maison voisine ; d’objets civils ? point. Je trouve par contre un paquetage de linges propres abandonné par un boche. C’est une affaire. Je change sur place de chemise, de caleçon, et de chaussettes, et j’en avais besoin.
Toute la journée les obus s’acharnent sur nous et peu à peu émiettent le village. L’ennemi vise principalement l’entrée des cavernes. L’après-midi Caillouet me charge d’un pli pour le 2e Bataillon. Le P.C. à rejoindre est vers la partie basse du village, près d’une petite place.
Dans la rue qui descend, je suis de suite encadré par des gerbes de balles. D’une crête, l’ennemi prend d’enfilade toute la rue. Sous mes pieds, les balles en furie labourent la Chaussée pierreuse. D’un bond, je rentre dans une porte et le long d’un mur j’avance en rampant. Voici un angle mort. De l’autre côté de la place, le P. C. du 2e Bataillon. Il faut traverser et le boche attend ma sortie. À l’abri d’une maison des officiers font des signes de leurs bras. Je fonce, l’air vibre et claque, des branches cassées tombent sur la route, de la terre me saute au visage. Je suis passé !
Je remets le pli au Commandant Dagalier. J’apprends que le Capitaine Rossignon de la 5e a été tué ce matin à l’entrée du village, à la tête de ses hommes.
J’ai rejoint le haut du village en suivant le manège à rebours et avec la même chance. À cheval sur une murette je trouvé l’adjudant Devillard :
━ Alors, Désalbres ! Quoi de neuf ? On remet ça ce soir ?
━ Oui, on remet ça, mais J’espère avec plus de chance. Notre artillerie n’a pas assez donné et l’attaque s’est cassée le nez sur les mitrailleurs.
Nous sommes revenus tous les deux vers notre carrière. L’adjudant m’a paru très pessimiste et c’est pourtant un magnifique soldat. Je rends compte de ma mission au Capitaine Cléry déambulant dans la cour, et je m’assieds à l’entrée de la grotte sur une grosse pierre.

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