LDE carnet de route p.103 1918

  • 20 janvier 2015

Depuis 14 ces missions lui sont familières.
Descente rapide vers le village du Ménil où des maisons brûlent.
Des cadavres dans la rue.
Pas de course à travers le bourg sous les obus qui fauchent murailles et arbres. Voici une grande route déserte qui longe les marais. De ce côté, sur notre droite, rien à craindre.
Les deux vagues d’assaut se sont morcelées aux caprices du terrain et avec mes coureurs et une section de la 1re Compagnie, nous grimpons sur une petite butte marquée sur la carte du nom prétentieux de Montchevillon. À notre gauche, la 2e Compagnie, dont on aperçoit les sections, se déploie en crochet défensif face au petit bois d’où l’ennemi nous mitraillait il y a un instant.
Au sommet de la colline, des tirailleurs boches déguerpissent individuellement. À la volée nous les tirons ; certains s’abattent en lâchant leurs armes, mais la plupart nous échappent. Pause sur cette position pour laisser le temps à la 2e Compagnie de fouiller le bois.
Le soleil est au midi et la progression reprend. Il n’est pas douteux que nous chassons devant nous des éléments d’arrière-garde et que nous rencontrerons bientôt la ligne de résistance. Nous traversons un plateau, laissant sur le côté un grand bois et approchons d’un grand ravin où un village flambe sous les obus.
À droite, toujours rien. Vide inquiétant.
Par le fossé d’une ligne de chemin de fer, la section progresse à l’abri des balles qui viennent du village. Nous en approchons rapidement pour rentrer dans une zone battue par l’artillerie ennemie. Près d’une gare aux voies arrachées et dont les morceaux dressent vers le ciel leurs moignons tordus, des wagons gisent sur la route. De grands arbres fauchés par les souffles meurtriers forment des barricades géantes. Je relève des cadavres français du 20e R. I.
Le ravin où nous pénétrons est un véritable enfer ; les maisons croulent en flammes sous les obus de l’artillerie lourde. Suivi par mes 7 coureurs, j’accélère l’allure à travers barricades, éboulis, arbres abattus, sous des explosions déchirantes. Par bonds successifs, je longe la falaise du ravin creusée de cavernes béantes.
Derrière un groupe nous pénétrons dans une de ces grottes. Bientôt nous serons une centaine d’hommes. Nous apprenons que les 2e et 3e Compagnies auraient traversé le ravin.
À l’appel il manque Godberg, cependant personne ne l’a vu tomber. Des isolés rentrent précipitamment, fuyant le déluge de fer. L’aspect du ravin est tragique. La végétation prise de folie se soulève et tournoie. Encore des hommes égarés et enfin voici Godberg. Il nous apprend que la carrière voisine s’est effondrée, ensevelissant 2 sections du 20e R. I., c’est le sort qui nous menace si un 210 percute à l’entrée.
Le temps passe et le bombardement ne se calme pas. Nous apprenons que sur notre gauche, le 2e Bataillon occupe des grottes voisines et que le 42e R. I. est bloqué devant Oulchy-le-Château. Vers le soir, un coureur essoufflé arrive de la 3e Compagnie.
━ Voilà, mon lieutenant, le lieutenant Dermain vous fait savoir que les deux Compagnies ont traversé le ruisseau et que nous sommes sur la côte 128. On s’est foutu à l’eau jusqu’à la ceinture et on a grimpé là haut.
━ Un coureur pour reconnaître la position de ces 2 Compagnies, demande Mansart.
Anthoine, volontaire, part et disparaît. Un instant après il est de retour. Les deux Compagnies sont bien accrochées aux pentes de la côte 128 située sur la falaise opposée du ravin. L’objectif de la journée aurait été atteint.
━ Un coureur pour reconnaître les grottes voisines sur la gauche. Anthoine, encore volontaire, sort et disparaît dans la tempête.
Ordre de quitter la carrière et d’appuyer sur notre gauche afin de nous placer directement derrière les deux Compagnies de première ligne. Le déplacement s’est effectué rapidement sous un marmitage impitoyable. Avant d’arriver dans la nouvelle grotte, un obus fauche une demi-section de la 1re Compagnie.
L’entrée est large et offre sa gueule béante aux trajectoires des obus. Des cadavres ennemis encombrent l’entrée et gisent près d’une mitrailleuse ; ceux-là même qui mitraillaient le ravin lorsque nous entrions dans le village de Breny.
Le bureau du Bataillon et le poste de secours se sont installés au fond de la carrière. Je dépêche un coureur au colonel. C’est encore Anthoine qui veut partir. Cet homme est vraiment exceptionnel.
La nuit est venue et j’en profite pour faire enterrer les cadavres qui empoisonnent l’entrée. Les corvées de soupe sont parties sous les obus et les bombes d’avions.

Portfolio

Dans la même rubrique

LDE carnet de route p.60 1918

Mardi 1er janvier 1918. ━ On s’habitue au froid.
Je descends au village de Bures. Dans la cave d’une maison un chat sauvage se ramasse en (…)

LDE carnet de route p.61 1918

Samedi 5. ━ Froid toujours très vif.
Le nez et la bouche sont les seules parties du corps au contact de l’air. Le Général Guignabaudet est venu (…)

LDE carnet de route p.62 1918

Lundi 7. ━ Repos toute la journée et je reste couché dans mon lit de treillis, enroulé dans les couvertures, pieds déchaussés.
Malgré le poêle (…)

LDE carnet de route p.63 1918

Vendredi 18. ━ Garde à la sortie nord.
L’ennemi est sur les coteaux, en face, à 2 km. Devant nous une plaine ou serpente un ruisseau. Le pays a (…)

LDE carnet de route p.64 1918

Mercredi 23. ━ Les jours s’écoulent fort paisiblement.
Relevons une forte fumée chez les Boches, dans la tranchée du Gué. Nos 75 mm cognent dans (…)

LDE carnet de route p.65 1918

Vendredi 1er février 1918. ━ rien de spécial.
À 2 heures du matin, violente fusillade vers la droite.
Samedi 2. ━ Nous apprenons que le (…)

LDE carnet de route p.66 1918

Samedi 9 février. ━ À 8 heures du soir, la 3e Compagnie nous relève et passons en réserve au village de Serres à 5 km. derrière nous.
Dimanche (…)

LDE carnet de route p.67 1918

Mardi 19. ━ À 6 heures du soir, des camions nous embarquent dans un grand enthousiasme.
Nous sommes tous confiants. Le soldat est prêt a tous (…)

LDE carnet de route p.68 1918

Je fais comme les camarades. J’avale une sardine, un bout de bidoche et un morceau de chocolat. On noie cela par un coup de pinard et on se sent (…)

LDE carnet de route p.69 1918

Je saute dans une tranchée bouleversée, évasée. Pas âme qui vive, mais des cadavres frais et un enchevêtrement de poutres. Dans l’escalier d’une (…)

LDE carnet de route p.70 1918

Devant nous une vague allemande est sortie du Grand Moulin. Les hommes portent le sac et se dirigent vers nous baïonnettes hautes. C’est la (…)

LDE carnet de route p.71 1918

À cette pensée mon esprit se trouble et j’accélère la course. Soudain, derrière moi un homme apparaît, essoufflé, le regard terrible, le visage en (…)

LDE carnet de route p.72 1918

Vendredi 22 février. ━ À l’actif de l’attaque : 215 prisonniers.
Un gros renfort arrive du D.D. Ce sont presque tous les soldats relevés de (…)

LDE carnet de route p.73 1918

Jeudi 7 mars. ━ Travaux de défense.
L’ennemi cherche à atteindre avec du 105 mm la batterie de 75 mm qui est au bas de la côte. En dehors des (…)

LDE carnet de route p.74 1918

Lundi 25 mars. ━ De bon matin, la mitraille crépite furieusement sur notre droite.
Est-ce une sortie de l’ennemi ? Le soir est très calme. (…)

LDE carnet de route p.75 1917

Dimanche 31 mars. ━ Jour de Pâques.
Repos complet. Messe au village. Civils et militaires remplissent la petite nef où les chants religieux (…)

LDE carnet de route p.76 1917

Lundi 8 avril. ━ Pour éviter ces corvées périlleuses, la Compagnie abandonne Foch et s’installe au fortin Castelnau où les cuisines peuvent (…)

LDE carnet de route p.77 1918

Vendredi 12. avril ━ Nos 75 mm asticotent sérieusement l’ennemi.
On raconte qu’un coup de main serait en préparation. Toute la journée (…)

LDE carnet de route p.78 1917

Mercredi 17 avril. ━ Premières chaleurs du printemps.
Des faisceaux de lumière chaude touchent le sol cendré du petit bois. Sous leur ombre les (…)

LDE carnet de route p.79 1917

Mardi 23 avril. ━ Départ à 6 heures du matin.
La route boueuse s’allonge dans le jour naissant. Nous marchons jusqu’à midi après avoir traversé (…)

LDE carnet de route p.80 1918

« Vendredi 3 et 4 mai. ━ Le Bataillon ne bouge pas. »
Aménagement des cantonnements.
Dimanche 5 mai. ━ Départ au lever du jour.
Nous (…)

LDE carnet de route p.81 1918

Samedi 11 mai. ━ Tous les villages sont nets comme des jouets de bois.
Des maisons bariolées de peinture bordent des rues propres et pavées. (…)

LDE carnet de route p.82 1918

Mercredi 16 mai. ━ La canonnade a rugi toute la nuit.
Les avions sont passés à plusieurs reprises, lâchant leurs bombes dans les alentours. Nous (…)

LDE carnet de route p.83 1918

Samedi 19. ━ Le bataillon montera ce soir en ligne, face au Mont Kemmel, secteur Locre.
Il attaquera demain en liaison avec un bataillon du 42e (…)

LDE carnet de route p.84 1918

Par une crête, la Compagnie franchit au pas de course le sommet du Mont. Furtivement, l’oeil découvre une immensité rayée de flammes rapides et (…)

LDE carnet de route p.85 1918

Un gigantesque manteau gris sombre a subitement rayé de la vue la lumière du jour naissant. Les deux compagnies d’assaut sont parties. Nous ne les (…)

LDE carnet de route p.86 1918

Pourquoi, mon Dieu, allonger cette agonie ? Vais-je bondir sur la route ? Hurler à l’ennemi : ━ Arrêtez ! arrêtez ! Ils sont tous morts ! Vous (…)

LDE carnet de route p.87 1918

Personne n’a voulu me donner à boire, les tirs de barrage interdisant au ravitaillement de monter. J’arrive au P.C. du Colonel à la nuit. Le poste (…)

LDE carnet de route p.88 1918

Enfin le calme revient ━ il est plein jour. Cette torture a duré 4 heures. Courbaturés, jambes molles, reins brisés, têtes vidées, nous sortons de (…)

LDE carnet de route p.89 1918

Samedi 17 mai. ━ On évacue encore pour les gaz et pour la fièvre des Flandres. ━ Allez, les gars, ce soir le premier peloton monte en ligne, (…)

LDE carnet de route p.90 1918

Je quitte le chemin creux accompagné par le second agent de liaison de la Compagnie. Les fusées guident nos pas, ce qui nous permet d’atteindre (…)

LDE carnet de route p.91 1918

De nouveau sur la piste, je passe le carrefour où une mitrailleuse me recherche, car la nuit est très claire. Je pense de suite aux incidents de (…)

LDE carnet de route p.92 1918

Dans ce fossé, charnier putride où pêle-mêle demeurent depuis des semaines des monceaux de cadavres en liquéfaction, je cherche à tâtons un corps (…)

LDE carnet de route p.93 1918

Mercredi 14 juin. ━ Départ par route.
Après une marche de 7 km. le Bataillon occupe Bavinchove au pied du Mont Cassel. Cantonnement d’alerte, on (…)

LDE carnet de route p.94 1918

Mardi 27 juin. ━ Je me prépare au départ, aussi je passe chez le coiffeur, un coiffeur de la Territoriale ; chez les vieux on trouve d’excellents (…)

LDE carnet de route p.95 1918

16 juillet 1918. ━ De très bonne heure une colonne de camions est venue nous enlever et nous déposer, à 10 heures, à Colloye, en pleine campagne. (…)

LDE carnet de route p.96 1918

Sous une pluie torrentielle, la longue file de fantassins monte vers les lignes par une nuit impénétrable. Sur des pistes glissantes, nous (…)

LDE carnet de route p.97 1918

La place du village est déserte, mais près d’un mur, le colonel du 23, grand et sec, assisté d’un gros commandant, interroge un prisonnier. Des (…)

LDE carnet de route p.98 1918

19 juillet 1918. ━ En descendant vers le ravin, l’air se rafraîchit ; les oiseaux sont revenus et la route en lacets me conduit à la 2e (…)

LDE carnet de route p.99 1918

Devant nous la ligne déployée du 2e Bataillon reçoit du 77. L’ennemi tire à balles d’une dépression dont nous atteignons les premières pentes. Sur (…)

LDE carnet de route p.100 1918

Le Capitaine est sans aucune liaison avec sa droite. Des agents de liaison assurent que c’est le 20e R.I. qui serait dans cette direction. Un (…)

LDE carnet de route p.101 1918

Soudain, comme la foudre, une flamme rouge est passée sur mes yeux ; dans un bruit de tonnerre un souffle de feu m’a plaqué contre la falaise. Je (…)

LDE carnet de route p.102 1918

21 juillet. ━ La grotte s’anime avec l’apparition des premières lueurs.
Des coureurs sortent et partent dans toutes les directions, les hommes (…)

LDE carnet de route p.104 1918

22 juillet 1918. ━ Le bombardement s’est prolongé durant toute la nuit.
L’ennemi veut stopper notre avance. Plusieurs fois mes coureurs sont (…)

LDE carnet de route p.105 1918

La hache d’acier est à quelques mètres de nos têtes ; tapis dans la roche qui surplombe le ravin, nous sentons les remous de l’air qui hurle avec (…)

LDE carnet de route p.106 1918

24 juillet. ━ Après une nuit de veille (car j’ai dû assurer la liaison) je suis réveillé à 10 h. du matin.
Le soleil déjà chaud ranime mes (…)

LDE carnet de route p.107 1918

Dans quelques secondes, le combat va se déclencher, peut-être terrible et meurtrier ; les nouveaux soldats de Marathon vont charger. Sur un signe, (…)

LDE carnet de route p.108 1918

25 juillet. ━ Empourpré par l’aurore lumineuse, le ravin rocheux prend une teinte mauve.
Quelques obus tombent en lourdes vibrations qui vont se (…)

LDE carnet de route p.109 1918

Dans cette cohue, soulevée par la fièvre d’agir, chaque explosion fauche à coup sur. Escaladant la roche, fusils en mains, dépoitraillés, toute la (…)

LDE carnet de route p.110 1918

Rien de nouveau, s’écrie-t-il, on reste face à face avec les Fritz. Évidence même qui nous pèse assez en ce moment, et les plaintes répétées des (…)

LDE carnet de route p.111 1918

Par une échancrure entre la ferme et le village, on aperçoit effectivement des fantassins qui bougent dans un champ de blé. Le Lieutenant Mansard (…)

LDE carnet de route p.112 1918

Subitement un avion à ailes rouges pique vers nous, cale son moteur, glisse sur nos têtes à quelques mètres. Une rafale de balles casse du bois. (…)

LDE carnet de route p.113 1918

27 juillet. ━ Le bombardement croît en intensité.
Les soupiraux de la cave se bouchent et se débouchent à chaque rafale. Je me rends à la (…)

LDE carnet de route p.114 1918

29 juillet. ━ J’ai retrouvé les débris de ma section sur le versant de la côte qui domine la route de Rozet à Brény.
Les sergents Vacher, (…)

LDE carnet de route p.115 1918

La scène s’est déroulée sous les yeux ébahis d’un Bataillon au repos. Tous les hommes se sont levés, au garde-à-vous. Le chef a salué la troupe, (…)

LDE carnet de route p.116 1918

Il est à peine 4 h. 30 du matin et en ce 1er Août 1918, les hommes du 1er Bataillon, masque à la figure, sont partis pour l’assaut. Ils sont (…)

LDE carnet de route p.117 1918

Cependant, le champ de bataille intrigue les deux officiers. À la jumelle on distingue des va-et-vient non identifiés. Le bois de sapin semble (…)

LDE carnet de route p.118 1918

Je quitte le Capitaine et le Caporal-fourrier Virton. En sortant une voix suppliante m’appelle. D’un trou d’obus le Sergent Stevenard fait un (…)

LDE carnet de route p.119 1918

2 août 1918. ━ La première lueur du jour n’a pas encore teinté l’horizon, la plaine est toujours endormie.
Rien ne bouge et, pas un bruit, pas (…)

LDE carnet de route p.121 1918

Jusqu’au 12 août, le Régiment enterre ses morts et récupère les épaves de la bataille. Le commandant Bréville, retour de permission, nous a (…)

LDE carnet de route p.122 1918

29 août 1918. ━ Le 23e et le 42e sont déjà engagés dans la bataille.
Notre tour approche. On raconte que les combats sont violents, que (…)

LDE carnet de route p.120 1918

Une magnifique journée d’été dore la plaine ensoleillée. Une lumière violente descend du ciel embrasant la plaine jusqu’aux lignes de collines (…)