LDE carnet de route p.63 1918
Vendredi 18. ━ Garde à la sortie nord.
L’ennemi est sur les coteaux, en face, à 2 km. Devant nous une plaine ou serpente un ruisseau.
Le pays a peu souffert de la guerre. Comme à Bures c’ est un secteur calme. Au niveau des tunnels une robuste tranchée aux parois de planches entoure les Jumelles. En bas de la pente, les petits postes avec leurs réseaux épais de barbelés.
Sur la sortie sud, vers nos arrières, une baraque abritée de la vue de l’ ennemi sert de réfectoire en période calme. L’organisation est prévue pour soutenir un siège.
Dans l’après-midi, je descends avec Gallais à Arracourt pour y préparer du bois.
Bien qu’ en première ligne, le village est presque intact. Les soldats occupent des maisons fortifiées et le Génie construit deux blockhaus en ciment sous le toit de deux paisibles maisons.
À la nuit, retour au village pour y chercher le bois. On le charge sur une charrette à bras et le remontons ensuite par Wagonnet jusqu’au tunnel.
Samedi 19. ━ Harquey, Jaffrézic, Contant et moi-même sommes désignés pour occuper un poste d’observation situé sur le versant ouest de l’autre jumelle.
Le caporal Bihan prend le commandement. À 10 h. départ avec armes et bagages.
Cette nouvelle position est un vrai filon : indépendance, tranquillité, isolement. Notre rôle consiste à surveiller les lignes ennemies avec une paire de jumelles. On observe à tour de rôle et c’est très distrayant. La nuit tout le monde peut dormir sans souci ; nous sommes protégés par un chapelet de petits postes.
Chaque matin Jaffrézic prépare un succulent chocolat au lait concentré, tandis, que chacun chante dans l’ombre humide du gourbi, saluant les premiers rayons solaires de l’année. Depuis mon arrivée au front ces heures comptent parmi les meilleures.
Dimanche 20. ━ Activité assez forte de notre artillerie.
Des 75 mm explosent en petits flocons blancs sur la ferme de Harlauville. Celle-ci est devant nous à 1 km. dans la plaine, près d’un ruisseau, la Loutre.
Relevons une circulation de groupes d’Allemands dans le village de Juvrecourt. Rafales d’obus sur la route d’ Arracourt. On a l’ impression d’assister à une bagarre du haut d’un balcon.
Pendant toute la, nuit, des feux d’herbes sèches brûlent chez l’ ennemi, en lisière de la forêt de Bezange. Bihan prend un F. M. et tire sur le feu le plus proche. Il veut nous persuader avoir coupé la flamme en deux.
Lundi 21. ━ C’est au tour de l’ ennemi à bombarder la ferme ; il n’y a pourtant rien dans cette ferme.
Un aéro ennemi nous a survolé de si bas que notre artillerie antiaérienne a cessé de tirer.
Durant cette nuit, une de nos reconnaissances a rencontré une patrouille ennemie. Celle-ci s’est retirée précipitamment.
Mardi 22. ━ Des feux brûlent- toujours dans le bois de Bezangues, les Boches font du nettoyage d’herbes hautes.
Il a plu toute la journée et la tranchée s’est éboulée. Nous la relevons pendant la nuit. Une reconnaissance est sortie. Rien a signaler.