LDE carnet de route p.66 1918
Samedi 9 février. ━ À 8 heures du soir, la 3e Compagnie nous relève et passons en réserve au village de Serres à 5 km. derrière nous.
Dimanche 10. ━ Repos et nettoyage.
La section occupe une grange et pour la première fois depuis mon arrivée au front, nous dormirons sur des paillasses. On nous destine à des travaux de défense. Subitement, le 12, le régiment au complet se concentre à Valhey ; une colonne de camions nous emporte et nous dépose le lendemain au camp de Saffais. Nous avons traversé Deuxville, Saint-Nicolas et c’est à Ferrières que nous cantonnons.
De nombreux hommes de renfort arrivent, les compagnies sont complétées et à l’ escouade nous recevons deux nouveaux :
Beuzelin, solide gars des Ardennes, classe 15, et Thévenin, Auvergnat, classe 12.
Ce sont deux anciens blessés qui reviennent de convalescence, vieux combattants.
L’escouade est donc constituée comme suit : Bihan, Caporal, Joutel, Turgis, Thépaut, Harquey, Deckoninck, Beuzelin, Thévenin, Désalbres.
On nous informe que le régiment est ici pour se préparer à un coup de main ; c’ est sur le terrain du camp de Saffais que nous devons nous entraîner.
Du 15 au 19 février, le régiment répète l’ assaut qu’il doit donner aux positions ennemies. L’affaire semble bien étudiée et bien réglée. Le général Guignabaudet a rassemblé les 3 bataillons et nous explique le but de l’ opération et les moyens mis en œuvre.
Nous le 1er Bataillon devrons pénétrer de 2 km. dans les lignes ennemies jusqu’ au grand Moulin de Réchicourt-la-Petite où se trouvent 2 batteries d’ artillellerie. Nous devrons les faire sauter. Il nous faudra détruire l’ouvrage des 4 doigts, ramener le maximum de prisonniers et cela en 1 h. 30 afin de rentrer dans nos lignes avant la nuit, l’ attaque étant pour l’ après-midi.
À notre gauche, les 2e et 3e bataillons opéreront parallèlement.
Avec grande simplicité le général continue son exposé au milieu des 3 bataillons serrés autour de lui ; toutes les dispositions seront prises pour assurer le succès de l‘ opération. Trois cent mille obus percutants et 100.000 obus asphyxiants seront déversés en 8 heures sur un front de 5 km. Un barrage puissant de tir indirect effectué par 40 mitrailleuses pourvues chacune de 80.000 balles fixera les réserves ennemies.
Récompense pour le régiment : la fourragère. Le général ne peut nous garantir que l’ opération se fera sans casse, mais il nous assure qu’ elle sera réduite dans toute la mesure du possible.
C’ est la première fois qu’un chef parle ainsi à ses hommes. Il a gagné leur confiance et il a fait passer sur eux un souffle d’enthousiasme.
Le dimanche 17 février, troisième répétition de la manœuvre. Le lieutenant Barcelot est adjoint au Capitaine Peralda, chef de bataillon. La section sera commandée par le sergent Vacher secondé par un nouveau sergent gros et poussif.
Dernière répétition le 18.
Sortie de l’ attaque en colonnes et progression par deux jusqu’aux barbelés ennemis. On collera ensuite au barrage à la vitesse de 50 mètres à la minute, la vitesse passera à 25 mètres à la minute dès la première ligne ennemie traversée.
Derrière nous des sections du 3e Génie suivront. À l’ aide de paquets de cheddite, ils feront sauter les ouvrages et avec des appareils lance-flammes devront liquider les défenseurs résistants.