LDE carnet de route p.53 1917
Dimanche 21 octobre. ━ Beau temps.
Notre 75 tiraille toute la journée et les flocons bleus s’égrènent sur la crête d’en face.
Le soir vers 9 heures, le 87e R. I. nous relève.
Départ par groupe et par les pistes, afin d’éviter les boyaux boueux. On traverse Esnes-en-Argonne et Montzéville et à 1 heure du matin nous sommes au bois.
Lundi 22. ━ Toute la Compagnie loge dans un immense abri.
Repos complet. Le lendemain nettoyage des effets et des armes.
Mercredi 24. ━ Déménageons pour rejoindre le Camp de Béthelainville.
Repos jusqu’au 4 novembre.
Ici, aucune distraction, C’est le demi-repos de troupe en réserve. On passe les journées à déambuler dans le camp caillouteux et sur la voie 60 qui le traverse. On rencontre ainsi les camarades connus des autres Compagnies. Le soir dans les abris, jeux de cartes.
Le 1er novembre. ━ Fête de la Toussaint, nous assistons à la messe des morts, de nos pauvres morts.
L’autel est dressé dans le cimetière militaire situé sur la crête boisée qui fait face à notre camp. Ce cimetière est occupé uniquement par des morts de notre Division. Le nombre des petites croix est impressionnant. Un grand crucifix de chêne étend ses bras sur leurs lignes profondes. Sur chaque tombe, léger tumulus de terre fraîche, une bouteille renferme le nom et le matricule du soldat tué.
Je lis avec émotion des noms bien connus, camarades hier encore pleins de vie.
L’office a été dit par l’abbé Hénocque, aumônier de la D. I. Nombreuse assistance.
Près du cimetière, l’ambulance divisionnaire assure les premiers soins aux blessés évacués et la corvée des morts. Devant la grande tente, 8 cadavres descendus cette nuit attendent sous les toiles de tente la fin des formalités pour rentrer dans la terre.
3 novembre 1917. ━ Le bataillon remontera ce soir en ligne, relever le 87e R. I., je passe fusillier-mitrailleur.
Je quitte mon tromblon lance-grenades pour prendre le F. M. Je n’y gagne pas, cette arme est encombrante et exige beaucoup de soins pour fonctionner.
La relève s’ébranle dans l’ombre du soir, et la longue chenille bleue des fantassins s’allonge dans le boyau de la Cannebière. Relève sans incident, secteur calme et boyaux secs.
Cette fois-ci la Compagnie occupe une position de seconde ligne sur la piste qui s’est substituée à la route d’ Esnes-en-Argonne à Malancourt. À 100 mètres sur notre droite, le ravin du Bois Canard. De bois, pas la moindre trace, même pas de traces de souches.
Ici on ne prend aucune garde, mais on effectue des corvées.