LDE carnet de route p.31 1917

  • 19 novembre 2014

Dans l’après-midi l’ordre arrive d’évacuer la première ligne ; notre artillerie doit effectuer
un tir de destruction sur les réseaux ennemis. Pour éviter le risque de coups courts, on ramène tout le monde sur la 2e ligne.
Je reste au barrage avec le caporal Cluzeaux et deux camarades en réserve dans la sape. Nous serons très exposés au tir de notre artillerie.
À 4 h 30, nos 155 ouvrent un feu dense et précipité sur l’interligne, Les obus passent en hurlant à quelques mètres au-dessus de nos têtes et vont pulvériser les barbelés ennemis.
Quelques explosions proches nous plaquent contre le barrage.
Coups massifs et vibrants de marteau pilon. Sous nos yeux la terre danse et des vagues aux crêtes dentelées se lèvent et s’affaissent.
Soudain sur ma tète un choc formidable. Mon casque est emporté brisant la jugulaire sous le menton. L’éclat brûlant est retombé à mes pieds. Hébété je fixe Cluzeaux qui rit nerveusement.
À la nuit tombante le feu cesse et la compagnie rejoint la tranchée Bouchez.
Pluie, la terre mouillée dégage une odeur fétide. La paroi coule sous l’érosion et laisse apparaître une touffe de poils. Je tire. Un morceau de crâne collé à de la cervelle roule dans le boyau.
Dans la nuit, trois rafales d’obus encadrent notre barrage. Ordre de repli sur la première ligne. On craint un coup de main.
Au petit jour, nous rejoignons le barrage.

Mardi 10 juillet. Il pleut toujours.

Le boyau est transformé en ruisseau de boue. L’eau monte aux chevilles et pénètre par le haut du soulier. Le long des parois, la boue liquide coule sans arrêt évasant un peu plus les bords.
Dans la nuit, avant le jour, les 75 ouvrent un feu violent sur la première ligne ennemie. Les boches répondent par du 210. Quelques coups courts tombent chez eux. Les monstrueux projectiles s’annoncent par un frou-frou lointain qui s’amplifie et se termine par un sifflement sourd, gigantesque, avec une force terrifiante. Les immenses explosions ébranlent la terre qui vibre à chaque coup.
Nous apprenons dans la journée qu’un coup malheureux a écrasé un abri de la 1re Compagnie ensevelissant 20 camarades sous 10 mètres de terre. Au 2e Bataillon un autre 210 a écrasé un abri, entraînant la mort de 45 des nôtres.
Le Boche est très inquiet. .
Dans la nuit un aéroplane a survolé en vol plané notre secteur à très faible altitude. Nous n‘avons pas pu le repérer.

Mercredi 11 juillet. ━ Repos toute la journée.

J’en profite pour dormir. En plein sommeil je sursaute sur ma couchette, cherche à tâtons mon fusil, bouscule mes camarades hébétés comme moi. Dehors, des cris : Aux armes ! aux armes ! Voilà les boches !
D’un bond nous sommes dans l’escalier, traînant fusils, ceinturons, grenades. Le guetteur Drouin a vu cinq allemands s’avancer en rampant. Nous scrutons le terrain, fusils braqués, grenades en mains.
Rien. Nous nous recouchons, mais je n’ai rien connu de si pénible que ce réveil.
Le soir je reprends la garde au barrage tandis que le bombardement reprend avec rage. À un certain moment il atteint une intensité exceptionnelle. Sur nos têtes se croisent les projectiles des deux artilleries. Des rafales de gros fusants balayent le sol. L’air est sillonnée de sifflements furieux. Du 105, du 150, du 210 tombent derrière nous vers la tranchée Bouchez, avec un fracas de bruits déchirants. L’air devient irrespirable. L’infernale bourrasque est telle, que d’accord avec Gallais qui veille avec moi, nous descendons nous abriter dans l’escalier de la sape. Quels patrouilleurs peuvent se risquer sous un pareil déluge ?
D’après un homme de corvée de soupe, un du génie aurait été arrêté en première ligne. On raconte que ce serait un espion boche déguisé.
Qu’y a-t-il de vrai dans cette histoire ?

Jeudi 12 juillet. ━ De garde au matin avec Gallais.

Fusil sur le barrage, devant un horizon étroit à 50 m., un soldat allemand surgit de terre. Légèrement courbé il retourne vers ses

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