LDE carnet de route p.33 1917
Lundi 16 juillet. - À midi, violent bombardement.
Le soir, second départ pour la relève. En 10 minutes le ravin est traversé sans incident.
Au P.C. de la Brigade, je prends en charge la section du 51e R.I. qui doit relever la nôtre. Il y a un guide par section et en tête, Vacher conduit la Compagnie qui nous relèvera.
Les hommes sont très chargés et la marche est lente. Derrière moi suit un gros adjudant chef de section. La nuit est si noire que je perds quelquefois la file. Dans le ravin où le boyau n’existe plus, c’est à tâtons que je dois me guider sur une piste indiscernable.
Le gros adjudant prend beaucoup de peine pour me suivre. Il ne cesse de dire : « Pas si vite ! ».
Je lui signale le danger que nous courrons dans le ravin. Peine inutile, le pauvre homme est essoufflé et je dois ralentir l’allure.
Enfin ! Dieu merci ! nous avons pu atteindre la tranchée sans tir de barrage.
Rapidement les hommes du 51 ont remplacé les nôtres. Ma mission est terminée, je prends fusil, sac, équipement et à vive allure je détale vers l’arrière. Nous venons d’apprendre par la relève montante que le 51e R.I. et le 87e R.I. sont montés pour attaquer à la pointe du jour, aussi s’agit-il pour nous de nous éloigner le plus vite possible pour éviter le duel d’artillerie.
Dans le boyau des zouaves je trouve un groupe de ma section. Très vite, le ravin de la mort est traversé puis grimpons sur l’autre pente. Malheureusement nous perdons la piste. La nuit est très sombre, et à force de louvoyer nous tombons sur un boyau situé sur la crête. Nous le suivons un grand moment sans rencontrer âme qui vive.
Est ce bien le boyau de la Cannebière ? Inquiet, je monte sur le parapet et c’est avec stupeur que je constate que nous sommes à peine à 1 km. de la première ligne. Nous marchons parallèlement au front et non vers l’arrière. Tous d’accord nous abandonnons le boyau et à terrain découvert marchons dos aux fusées.
Au P.C. du colonel, reprenons enfin le boyau de la Cannebière, puis le boyau Dhauteville. À 5 h. du matin le bois de Béthelainville est atteint, tous bien las, mais souriant.
Mardi 17. - Dans une cagna j’ai retrouvé mon escouade.
Manquent le pauvre Breton et Quéhu blessé.
L’attaque annoncée a été déclenchée à 6 h. du matin par les 51 et 87. On raconte qu’elle a parfaitement réussi. Les deux premières lignes seraient prises et 600 prisonniers seraient tombés entre nos mains.
Toute la journée des groupes de prisonniers passait sur la route. Dépenaillés, les traits tirés, ils sont mornes et silencieux. Des voitures sanitaires descendent chargées de blessés et de morts.
Repos complet pour nous. On astique et on dort.
Mercredi 18. - Les sections s’occupent au nettoyage des effets et des armes.
En fourbissant son pistolet Bocquet qui est assis sur sa couchette fait partir l’arme, la balle va se loger dans le sac qui sert d’oreiller à son voisin. Celui-ci a eu chaud.
À 11 h. du soir le régiment quitte le camp et embarque à Dombasle-en-Argonne.
Jeudi 19 juillet. - Nuit dans le train.
Allongés sur la paille d’un wagon à bestiaux, les hommes dorment profondément. Au matin, vers 10 h nous débarquons à Pargny-sur-Saulx dans la Meuse. Pays agréable et hospitalier.
À l’escouade un homme de renfort arrive. Le Coniat, pêcheur d’Islande. Brun, trapu, très porté sur le pinard.
Vendredi 20. - Les sections se réorganisent avec les renforts reçus.
Le Coniat vient de purger 1 mois de prison, ramassé lors des mutineries de mai. Surexcité par le vin, il a engueulé un officier. Il a compris et n’est pas près de recommencer, nous déclare-t-il.
Désigné pour une permission de détente, j’embarque pour La Réole.
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Je n’ai rien noté sur mon carnet de route, durant l’aller.
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