LDE carnet de route p.25 1917

  • 17 novembre 2014

Sur la route de Bar-le-Duc, c’est une longue chaîne de véhicules bâchés qui se dirige vers Verdun.
Des territoriaux étendent la caillasse sur la route où se croisent, se doublent, s’enchevêtrent parfois, des voitures de toutes sortes.
Les deux escouades de la demi-section, tassées dans le camion se fréquentent mais ne fraternisent pas. La 8e, la nôtre, comprend surtout des jeunes, la 7e est composée uniquement de vieux poilus. Ces derniers ont fait la Marne, les Éparges, la Champagne, la Somme. Il ont connu par surcroît la vie de la caserne. Ils ont de la bouteille dans le métier.
Ils pratiquent le système D avec flegme. Pour eux, nous sommes une bande de « loufs » qui n’en a pas encore bavé.
Pour les patrouilles, « c’est la bleusaille à cochon » qui marche, car ils considèrent ces exercices de reptile comme inutiles. À la 7e escouade on ne recherche pas la bagarre, mais quand il faut la faire, on la fait bien, avec intelligence.
Moi, je leur fous la paix, disait Cluzeaux, leur caporal, en parlant des boches, mais quand ils m’emm... allez, zou ! et il faisait mine de lancer une grenade.
Aussi dans le camion, la 7e s’est casée dans le fond à l’abri de la poussière. La 8e , celle des jeunes, se dispute l’arrière. Pour eux il convient d’interpeller les femmes et d’invectiver les gendarmes.
Peu à peu la poussière nous recouvre d’un manteau gris, pénètre les vêtements, se plaque sur la peau, grince sous les dents. Les visages perdent tout caractère humain. Nous devenons des pierrets vieillis s’agitant bruyamment à chaque agglomération.
Le crépuscule approche et la file de camions tourne à angle aigu au village de Nixéville.
━- C’est pour la rive gauche ! hurle Quéhu.
━ J’ t’en fous, on va à la rive droite.
━ J’ te dis que c’est pour la rive gauche, j’ connais le secteur, j’y ai été amoché.
━ On s’en fout de la rive gauche ou de la rive droite, c’est toujours du casse-pipe, explique un Caporal.
Peu à peu avec la nuit, la vie s’est éteinte dans le camion et les hommes se sont assoupis aux cahots grondants de la route.
En pleine nuit le Régiment débarque à Dombasle-en-Argonne à l’ouest de Verdun. C’est bien la rive gauche.
Une nuit étoilée. Pas un coup de canon, mais, près de la gare, d’énormes excavations.
━ Vise ça, vieux, si c’est du maous qui tombe ici.
━ On f’rait bien de ne pas moisir ici, c’est du 420 qu’ils foutent sur la gare.
━ Colonne par quatre ! En avant, pas de route !
Lentement, silencieusement, le Régiment pénètre dans la forêt.
Une heure de marche à respirer l’air frais, sous un ciel de diamants. La colonne avance dans l’ombre, dans un bruit feutré, sur un sol élastique de mousses et de bruyère.
━ Par instant, dans une lueur d’orage, un grondement sonore secoue la forêt, et l’oreille discerne les deux coups rapides d’un départ de l’arrière ennemie.
Les section se sont arrêtées et forment les faisceaux. Comme dans un tableau de Detaille, les compagnies s’endorment dans un lourd sommeil.

Dimanche ler juillet. ━ Hé ! les gars on monte à la Côte 304.

Le sergent Dersigny apporte cette nouvelle comme un message de joie.
━ C’est-y pour attaquer demande Quéhu.
━ Ça, vieux. Je sais pas, C’est Magadoux, le tampon du capitaine, qui vient de le dire.
━ Qu’ ça peut foutre, ajoute Wanlin, vaut mieux en mettre un coup un jour que de se faire sonner pendant une semaine dans un sale secteur.
Nous sommes dans le bois du Coin de la Source. Nous y passons la journée à contempler l’ondoyante chevelure de la forêt d’où descendent des filaments dorés de la lumière d’été.

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