LDE carnet de route p.43 1917

  • 2 décembre 2014
Vendredi 31. ━ Journée très calme et chaude.

Le soleil embrase littéralement le fond sableux de notre carrière. On cherche l’ombre contre le talus sud. Vacher s’efforce de déblayer l’entrée d’un abri effondré. Je le seconde, histoire de se distraire et poussé par la curiosité.
Entrer le premier dans un abri abandonné, c’est l’espoir de pouvoir satisfaire les instincts pillards du soldat. On y trouve les menus objets laissés par l’occupant qui vont des jumelles de jusqu’au linge de corps. À la nuit, l’entrée n’était pas encore déblayée.
Vers 11 heures du soir une section du 51 vient nous relever.
Le Lieutenant Barcelot donne l’ordre de s’équiper.
À ma grande surprise je ne retrouve plus mon fusil. Je cherche dans l’obscurité, fouille la carrière. Pas trace de fusil. Ça. ne fait aucun doute, quelqu’un qui a perdu le sien me l’a pris. Le coup est classique et il ne me reste qu’à en faire autant, mais les copains serrant précieusement leurs armes et les gars du 51e R. I. qui voient le manège sont sur leurs gardes.
━ Vous n’avez pas trouvé votre arme ! s’écrie Barcelot. Et bien je vous laisse ici, et vous ne descendrez que lorsque vous en aurez une, et toute la section à la suite du Lieutenant escalade le talus et disparaît dans la plaine sombre.
Me voici seul de mon régiment avec les nouveaux venus. Je n’ai aucun espoir de trouver ici un fusil et je ne suis pas du tout disposé à faire du rabiot en ligne. Je trouverai une arme sur la plaine, près d’un mort.
Connaissant le chemin, j’accélère l’allure par bonds, entre chaque fusée. Cela me permet de tâter les morts dans l’espoir de trouver une arme. Ce ne sont que cadavres allemands. Le Lieutenant n’admettrait pas un Mauser entre mes mains, et cependant j’ai rejoint une tranchée sans avoir rencontré un Lebel. Il me faut un fusil... Derrière une file de soldats j’emboîte le pas, c’est la 1re Compagnie qui descend. Très à l’œil je surveille les gars du 51e R. I. qui montent en ligne à contre courant. Profitant d’un embouteillage du boyau, je saisis avec force un fusil qu’un soldat reposait crosse à terre et je file jetant le désordre dans les rangs. Je grimpe rapidement sur le parapet et forçant l’allure je finis par rattraper la 2e Compagnie avant la route d’ Esnes-en-Argonne.
Je redescend avec mon arme. Ici l’ennemi arrose la piste avec du shrapnell, des blessés étendus jettent des appels. Le Lieutenant que je rejoins me demande si j’ai mon fusil :
━ Le voici, mon Lieutenant.
━ Très bien ! Vous aurez la Croix de guerre.
━ Je ne vois à cela aucun motif de citation. Je pense que le Lieutenant veut plaisanter.
À la route d’ Esnes-en-Argonne la section se regroupe. Vacher et Dersigny cherchent à reconnaître leurs hommes. Péniblement, la cote 309 est gravie, par file de sections aboutées.
En queue de file une voix geignarde s’élève :
━ Attendez-moi ! attendez-moi les gars !
C’est Lafuste qui gémit. Accroupi au sol, il est pris par de violentes coliques.
En ricanant une voix lui crie :
━ T’as pas besoin de quelqu’un pour te torcher le c... ?
Le pauvre Lafuste abandonné à sa piteuse position, jette des appels pitoyables sous les rires nerveux des hommes qui poursuivent leur avance.
Au sommet de la côte, de solides abris nous attendent, mais les tranchées sont encore pleines d’eau.
Pour la première fois depuis 8 jours nous nous étendons sur des couchettes de fer, pour enfin dormir...

Samedi 1er septembre. ━ C’est à ne pas y croire, on nous laisse encore dormir.

Il me semble que jamais je ne rattraperai le sommeil perdu pendant ces derniers 8 jours.
Pas de corvées, par contre l’après-midi on astique les armes, les effets. On fait sécher capote, molletières, souliers recouverts de croûtes et de blocs de boue.
Nous sommes tous pris par de violentes coliques. Lafuste était l’avant-garde des accroupis sur le parapet, c’est un chapelet d’hommes qui se soulagent. On est à 2.500 m. de l’enfer, on ne risque rien.

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