LDE carnet de route p.48 1917

  • 4 décembre 2014

Si le coup de main est pour nous, l’ennemi sera bien reçu. Pour le moment la section n’a pas écopé et bien que les 88 s’acharnent sur notre position, les hommes gardent bien leur sang-froid. Quel gaspillage d’obus faut-il pour obtenir un seul coup au but ! Un seul de ces projectiles qui s’égrènent autour de nous suffirait pour anéantir notre groupe.
Enfin rien de grave n’est survenu et tout est rentré dans le calme. L’ennemi n’est pas venu.
La même comédie se renouvelle au matin, ce qui maintient en alerte toute la section. Le ciel étoilé s’éclaire en blanchissant et le silence reprend possession du secteur.

Dimanche 23. ━ J’ai pu dormir dans ma couchette jusqu’à 2 heures de l’après-midi.

J’espérais poursuivre ce repos, mais à la suite d’une discussion violente Vacher me fixe un travail dans la tranchée sitôt la nuit venu. Me voici donc occupé à déblayer le boyau ébréché par le bombardement d’hier. Avec pioche et pelle j’assure mon travail consciencieusement lorsqu’une foudroyante rafale de 88 s’émiette autour de moi. Dans le noir, des flammes rouges. J’ai lâché ma pelle et plonge dans l’entrée d’une sape voisine. Celle-ci est à demi comblée et entraînée par une coulée de terre, je glisse jusqu’au fond du gouffre. Suis-je enterré vivant ? Là-haut un petit orifice laisse filtrer une faible clarté. À tâtons, au milieu d’éboulis, je découvre l’entrée d’un couloir. J’arrive ainsi dans une petite salle éclairée par une bougie où le sergent Dersigny joue à la manille avec 3 poilus. C’est l’abri de la section voisine. À minuit je rejoins ma section. Dans la tranchée, une mitrailleuse a été détruite par un 88.
De minuit à 6 heures du matin, je prends la garde au PP 3 avec un camarade. Nuit belle et froide. Je me distrais à compter les étoiles. Retour à l’abri au petit jour. L’ennemi cherche visiblement à atteindre l’entrée de notre abri. Si un 88 y pénètre, quel grabuge !

Lundi 24. ━ Toute la journée l’ennemi bombarde la position Lorraine sur notre droite, par gros calibres.

Ici c’est toujours du 88. Obus redoutables, ils arrivent sur nous avant la détonation du départ, véritables météores rageurs comme le 75.
À 7 h. 1/2, garde au PP 2 jusqu’à minuit. Nuit froide et claire. Premières gelées d’automne. Le ciel scintillant arrose l’ombre de la nuit d’une lueur bleutée. Je porte toute mon attention sur le fond du ravin. L’oeil ne peut rien discerner mais le moindre bruit déclenche les réflexes du veilleur. Mon compagnon le vieux Turgis n’est d’aucun secours, il est recroquevillé au fond du trou et s’efforce de mettre sa tête à, l’abri des éclats d’obus qui forent le sol autour de nous. L’ennemi tape toujours sur Lorraine, l’air vibre et siffle.
À minuit nous sommes relevés par deux camarades et à ce même moment le marmitage s’étend sur notre position. Toute la section est dehors en alerte. Barcelot nous égrène sur un front de 30 mètres.
Je lance une fusée rouge, puis une seconde ; le barrage se déclenche encore avec retard, nos artilleurs doivent dormir. Par paquets, des 77, 88, 105 foncent sur notre tranchée. La terre tremble et gémit, l’air vibre avec fracas, les oreilles choquées par les explosions successives baignent dans un océan sonore. Lueurs rouges, fumées âcres, pluie de fer et de moellons. Affolés, les petits postes rentrent précipitamment. Barcelot bondit sur le parapet et revolver au poing les renvoie à leur trou.
Sur notre droite, des grenades crépitent, les mitrailleuses rentrent dans le concert. À n’en pas douter on se bat du côté de Lorraine. Courbés sur le parapet, anxieux, grenades en mains, nous attendons l’ennemi qui ne vient pas, puis c’est le grand silence de la nuit. Du ravin, vers Haucourt un appel prolongé et lugubre s’élève :
━ Brancardiers français ! Brancardiers français !
Au matin, nous apprenons que l’ennemi a fait un coup de main sur notre droite et a ramené 12 des nôtres.
Mardi 25 septembre. ━ Journée ensoleillée.
Repos dans l’abri. On joue aux cartes à la lueur des bougies. Un maladroit a laissé rouler une caisse de grenade dans l’escalier. Panique.
Nous nous jetons à terre, les mains sur les yeux. Par miracle aucune n’a explosé.

Dans la même rubrique

1917

━ Ah ! les vaques ! les faire attaquer sans préparation d’artillerie ! D’une secousse, le véhicule a franchi le fossé de la route et nous voici (…)

1917

L’année 1917

LDE carnet de route p.6 1917

1917ler janvier 1917. ━ Pour marquer cette journée, nous touchons en supplément, un seau de fromage, de la confiture et pour 4 hommes une (…)

LDE carnet de route p.7 1917

Les officiers du D. D. sont tous d’anciens blessés. Ils doivent le rejoindre comme tous les soldats évacués, après leur guérison.
Le commandant (…)

LDE carnet de route p.8 1917

Et le soliste enchaîne :
Sur le talus renverse la bergère,
Sur l’ennemi renverse les remparts,
Dans les boyaux fous-toi la gueule par terre, (…)

LDE carnet de route p.9 1917

Elle va s’accentuer au point de rendre la respiration impossible. À chaque inspiration une pointe de fer stoppe mon souffle. Je me sens lentement (…)

LDE carnet de route p.10 1917

Pendant mon absence, le D. D. est monté trois fois à l’arrière des lignes pour y faire travaux de défense.
La température s’est adoucie. Mercredi (…)

LDE carnet de route p.11 1917

Après Villey-le-Sec, la Compagnie traverse la défense du camp retranché de Toul. Canton­nements à Gye. Lundi 12 mars. ━ Durant la nuit, nous avons (…)

LDE carnet de route p.12 1917

Le troupeau stoïque et muet ne comprend rien. Enfin, à 11 h. 30, ordre est donné d’embarquer. Ma section occupe l’unique wagon de voyageur et à 1 (…)

LDE carnet de route p.13 1917

Voici Châtillon-sur-Marne. La statue immense du pape Urbain II regarde défiler ces légions de France qui vont refouler le Barbare.
À 5 heures du (…)

LDE carnet de route p.14 1917

Dimanche 22 avril. ━ Aménagement des tentes.
Nous creusons des fossés pour éviter l’envahissement de la pluie qui n’a cessé de tomber toute la (…)

LDE carnet de route p.24 1917

Il tance vertement un cycliste qui eut, pendant sa mission, la veine de crever juste devant la porte d’un bistrot. À l’entrée du village, il (…)

LDE carnet de route p.15 1917

Jeudi 10 mai. ━ Ordre de se rapprocher des lignes pour y faire des travaux de défense.
J’apprends en même temps que je suis désigné pour une (…)

LDE carnet de route p.16 1917

━ Hé ! le mec de la régulière ! où que tu vas ?
━ À Germigny.
━ Tends un peu. On va faire route ensemble.
C’est un joyeux du 3e Bataillon (…)

LDE carnet de route p.17 1917

━ Tu vois les lignes là-bas, elles passent juste devant le fort de Brimont, ce monticule où tombent les gros noirs. Cette ligne de poteaux, ce (…)

LDE carnet de route p.19 1917

Enfin ! des tranchées plus profondes. Les fusées éclatent sur nos têtes et c’est la tranchée de première ligne. Le caporal Dandou nous accueille. (…)

LDE carnet de route p.20 1917

Joutel et Quéhu me font signe et nous appuyons cette fois-ci vers la droite. Un aéro boche qui nous survole lâche une rafale de balles. Devant une (…)

LDE carnet de route p.21 1917

rien de plus que ce que vu. Cependant on apprend que l’ordre de la relève est bien parvenu au P.C. de la Compagnie. Les gens d’en face ne veulent (…)

LDE carnet de route p.22 1917

Je transmets à ma famille tous les renseignements qui peuvent intéresser les pauvres parents. J’ai reçu ce matin un flacon d’alcool de menthe de (…)

LDE carnet de route p.23 1917

conne chaque fois qu’il ramène sa fraise ». Quand il va en permission, il recolle en douce ses anciens galons pour se présenter chez sa fiancée ». (…)

LDE carnet de route p.25 1917

Sur la route de Bar-le-Duc, c’est une longue chaîne de véhicules bâchés qui se dirige vers Verdun. Des territoriaux étendent la caillasse sur la (…)

LDE carnet de route p.26 1917

Lundi 2 juillet. ━ À 6 heures du soir, ordre de lever le camp.
Les tentes sont pliées, les faisceaux rompus. On attend l’arme au pied. (…)

LDE carnet de route p.33 1917

Lundi 16 juillet. - À midi, violent bombardement.
Le soir, second départ pour la relève. En 10 minutes le ravin est traversé sans incident. Au (…)

LDE carnet de route p.27 1917

━ Faites passer de faire silence. Le boyau a disparu. Dans un ravin la file des ombres glisse sur un terrain chaotique. Le ravin de la mort. Plus (…)

LDE carnet de route p.28 1917

À droite, à gauche, près de la grappe humaine fondue dans la même angoisse, des masses de terre et de pierres comblent peu a peu le boyau. À ma (…)

LDE carnet de route p.29 1917

━ Ça fait rien, il n’a pas les foies, murmure Wanlin à mon oreille. Dersigny a disparu et après lui, les minutes se succèdent longues et (…)

LDE carnet de route p.30 1917

Et la chaîne fonctionne toujours et les obus plus serrés que jamais piochent la terre entre la tranchée Bouchez et nous. ━ Hep là ! on a pas dit (…)

LDE carnet de route p.31 1917

Dans l’après-midi l’ordre arrive d’évacuer la première ligne ; notre artillerie doit effectuer un tir de destruction sur les réseaux ennemis. Pour (…)

LDE carnet de route p.32 1917

lignes une couverture pliée sous son bras. Rapidement j’épaule et tire. Je manque le but. J’arme de nouveau, mais la culasse boueuse glisse (…)

LDE carnet de route p.34 1917

Mardi 7 août. - Pour la 5ème fois je quitte La Réole. Mon frère Paul, guéri de sa blessure m’accompagne jusqu’à Bordeaux. Il rejoint son dépôt à (…)

LDE carnet de route p.35 1917

Dimanche 12 août. ━ Journée magnifique.
Quelques obus vont vers l’arrière rappeler qu’on est toujours en guerre. L’après-midi, partons 4 et un (…)

LDE carnet de route p.36 1917

Jeudi 16 août. ━ Au matin des camions enlèvent le Bataillon et le dépose à Velaines, près de Ligny-en-Barrois.
Pays ravissant et hospitalier. (…)

LDE carnet de route p.37 1917

C’est vers Vous, Seigneur, que monte notre suprême prière. En Vous, nous mettons tout notre espoir, tout notre faible espoir de vivre. Dehors pas (…)

LDE carnet de route p.38 1917

d’un camarade voisin, aussi à gauche, un groupe forme troupeau autour du Lieutenant. Peu à peu la progression nous échauffe. Le défaut de réaction (…)

LDE carnet de route p.39 1917

de ce massacre. Noireau est tué net à ma droite, près de lui, un homme se tortille comme un ver et les canons rugissent toujours tandis que des (…)

LDE carnet de route p.40 1917

Ce soir corvée de soupe avec Turgis et Poteau. Le ravitaillement doit monter jusqu’à Esnes-en-Argonne. Je charge les deux bouteillons et Turgis (…)

LDE carnet de route p.42 1917

Mercredi 29. ━ Le secteur est nettement plus calme, quelques obus dans la journée. Le ravitaillement n’a pu monter la nuit dernière, coupé par (…)

LDE carnet de route p.43 1917

Vendredi 31. ━ Journée très calme et chaude.
Le soleil embrase littéralement le fond sableux de notre carrière. On cherche l’ombre contre le (…)

LDE carnet de route p.44 1917

Dimanche 2 septembre. ━ Le soleil est revenu et ses rayons bienfaisants nous permettent de sécher nos vêtements boueux.
La cote 309 est un (…)

LDE carnet de route p.45 1917

À Dombasle-en-Argonne, nous rattrapons l’escouade et la marche vers Jubécourt se poursuit silencieusement. Les hommes avancent cahin-caha sur des (…)

LDE carnet de route p.46 1917

Dimanche 16 septembre. ━ Le secteur est redevenu calme et le ciel, qui a eu pitié de nous, nous verse une douce chaleur.
Journée ensoleillée. (…)

LDE carnet de route p.47 1917

Jeudi 20. ━ Bombardement des deux côtés.
Suis de corvée de soupe. Nuit très noire. En file serrée, la corvée se dirige par une piste vers le (…)

LDE carnet de route p.49 1917

Le soir nous retrouve dans la tranchée avec nos pelles et pioches. Une mitrailleuse d’en face nous arrose de balles, la pièce fait un tir (…)

LDE carnet de route p.50 1917

Mercredi 10 octobre. ━ Tenue de tranchées.
On relèvera le 87e R.I. au soir. Départ à 6 heures pour le même secteur. Il pluviote et dans le (…)

LDE carnet de route p.51 1917

Dimanche 14. ━ Beau temps mais froid.
Le brouillard s’attarde dans le ravin jusqu’à midi. Bombardement sur la droite. Un cri dans la nuit suivi (…)

LDE carnet de route p.41 1917

l’insomnie, et l’eau et la boue viennent ajouter à notre lamentable misère. L’énervement nous gagne. Pour des riens, de violentes disputes (…)

LDE carnet de route p.52 1917

Samedi 20 octobre. ━ Temps toujours brumeux, mais avant midi le soleil parvient à crever la croûte blanche et la masse crémeuse s’écoule en (…)

LDE carnet de route p.53 1917

Dimanche 21 octobre. ━ Beau temps.
Notre 75 tiraille toute la journée et les flocons bleus s’égrènent sur la crête d’en face. Le soir vers 9 (…)

LDE carnet de route p.54 1917

Lundi 5 novembre. ━ La tranchée est bonne, la section occupe un petit abri, peu profond mais solide.
Sur notre droite le Mort-Homme est très (…)

LDE carnet de route p.55 1917

Samedi 10 novembre. ━ Relève par le 87e R. I., sans histoire. À 5 heures du matin, sommes au bois. Le lendemain nettoyage général des armes et (…)

LDE carnet de route p.56 1917

Lundi 19. ━ Vers 2 heures du matin, l’ennemi déclenche sur nous un violent tir de barrage.
Nous sommes en seconde ligne, aussi nous encaissons (…)

LDE carnet de route p.57 1917

Vendredi 23. ━ Journée claire.
Un peu de soleil, c’est un bonheur d’en sentir la douceur. Violentes rafales sur les pistes.
À 10 heures du (…)

LDE carnet de route p.58 1917

21 décembre. ━ Exercices.
Sur les petits coteaux qui dominent Thonnance-lès-Joinville, nous jouons à la petite guerre, pour ne pas oublier (…)

LDE carnet de route p.59 1917

Vendredi 28. ━ Ordre de rejoindre le front de Lorraine, mais on ne partira que demain.
On aura tiré 3 jours sous la paille.
Samedi 29. ━ (…)