LDE carnet de route p.4

  • 10 octobre 2014

Des trous dans les murs, des trous partout. Et dans des granges nous nous sommes affalés, muets et harassés pour le plus lourd des sommeils. Le soleil de midi nous a réveillé. D’un bond nous sommes dehors. Stupeur ! Devant nos yeux, sous un soleil doré, un paysage admirable s’étend à l’infini ; le plus beau pays de culture et de paix. Verdure, fraîcheur, champ à perte de vue couvert de bottes de blés ━ les morts de la nuit. Nous sommes dans un paisible village de l’Oise où l’habitant nous accueille en souriant.
Nous rions de notre frayeur collective et respirons plus à l’aise. La guerre n’est pas pour aujourd’hui. Nous sommes à 60 kilomètres du front en bataillon d’instruction avec des camarades du 138e R. I.
Le bataillon est resté dans cette région jusqu’au 12 novembre, pour une instruction très poussée, puis il a été transporté par camions à Dammartin-en-Goële, dans la Marne.

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Le dimanche 27 novembre, je pars avec un détachement de renfort pour le 128e R. I.
Ce régiment, d’origine Picarde, est engagé dans la bataille de la Somme.
Dans un village boueux, près de Montdidier, nous arrivons une quarantaine de jeunes de la classe 17 au Dépôt divisionnaire de la 3e D. I.
Premier contact avec des unités du front. Le régiment est en ligne. Nous formons un dépôt mobile qui alimente en hommes cette unité, à mesure des besoins.

14 décembre 1916. ━ Désigné pour une permission, je rejoins La Réole, où je passe 7 jours dans l’affection émue des miens.

C’est ma première permission de la zone des Armées. C’est pour moi, un peu de fierté, mais je ne peux encore parler de combat, comme mes aînés.

24 décembre. ━ Je quitte La Réole un jour plus tôt pour embrasser mon frère Paul, hospitalisé à Royan à la suite d’une grave blessure.

Je manque la correspondance à Bordeaux. Il est tôt, 6 heures du matin, aussi je retourne à La Réole terminer cette journée chez mes parents.
Ces quelques heures inespérées sont rapidement passées et à 4 h. 50 du soir départ définitif.
Séparation pénible sous les regards humides d’êtres chers.
Nuit de Noël dans le train de permissionnaires. Train de retour, nuit bien triste. Dans le compartiment sont entassés, fantassins, cavaliers, artilleurs, originaires du Sud-Ouest.
À Orléans, je change de convoi et débarque vers 7 heures du soir, le 25 décembre, à

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Saint-Just-en-Chaussée.
Cohue à la gare d’arrivée. La masse des permissionnaires s’achemine vers les guichets de contrôle où chaque feuille est tamponnée.
J’aurai 15 kilomètres à faire pour rejoindre le Dépôt Divisionnaire ━ le D. D. comme l’on dit chez les Poilus ━ et mon voyage sera terminé.
Au guichet, le tampon indique une nouvelle destination. Nous ne sommes plus à Camprémy, mais à Marcelcave. Ce dernier village est à l’est d’Amiens, la division s’est donc déplacée vers le Nord.
Dès le premier train j’embarque pour Amiens.
Les camarades permissionnaires de la 3e D.I. envahissent les compartiments. Ce sont des soldats des 4 régiments frères : le 128e R. I., le 272e R. I., le 51e R. I. et le 87e R. I.
Conversations animées sur les futures opérations et les chances d’un grand repos. Cette longue et terrible bataille de la Somme faîte dans des conditions climatiques abominables a fatigué le moral du soldat.

26 décembre. ━ À 2 heures du matin, le train nous débarque à Marcelcave.

Nuit froide et pluvieuse. Tout est dans l’ombre, on est à 25 km. du front. À l’est, les lueurs de la bataille.
On a pu se parquer dans des baraquements, pour attendre le jour et gagner quelques heures de sommeil. La capote nous abrite du froid et les pieds débarrassés des godillots boueux s’enfoncent dans une paille poussiéreuse où grouille la vermine habituelle.

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