Landerneau

  • 27 avril 2020

Histoire

Étymologie et origines

Située à l’embouchure du fleuve côtier de l’Élorn qui sépare le pays de Léon de la Cornouaille, la ville fut fondée près de l’ermitage (lann) de saint Arnoc, dit aussi Ternoc, évêque cité dans un calendrier breton du IXe siècle, d’où le nom Lan-Terneo qui évoluera en Landerne, francisé en Landerneau. Une confusion est possible avec saint Thénénan, qui aurait été le premier saint patron de Landerneau ; saint Arnoc est parfois confondu avec saint Ténénan et certains historiens pensent qu’il s’agit en fait du même saint.

« Arnec était fils de saint Judicaël et de la reine Morone sa femme. Il embrassa la vie religieuse sous saint Judoce, son oncle, avec lequel il vécut quelque temps sur les bords de la Canche, dans le Ponthieu. À la mort de ce saint parent, il revint dans le Léon, y bâtit sur les bords de l’Élorn une cellule et une chapelle devenue célèbre sous le nom de Land-Ernoc, nom qu’a conservé la ville actuelle de Landerneau. Plus tard saint Arnec devint évêque dans le canton d’Illy. Son évêché ne renfermait que vingt ménages. Pendant son épiscopat, il fit construire deux églises dans la paroisse de Ploudaniel et les dédia aux deux meilleurs amis qu’avait eu le roi son père, l’une à saint Méen, l’autre à saint Éloi. Près de lui vivait un saint ermite nommé Guénion, Guinien ou Vinien, qui était frère de saint Judicaël et à qui saint Arnec céda son évêché. Saint Guinien est patron de Pleudaniel. L’ancien petit royaume d’Illy était dans la paroisse de Trégarantec, dans la section Lysien, et contenait dix-sept villages. Saint Arnec est le patron de Trégarantec. »

Antiquité

Le site de Landerneau abritait sans doute une agglomération dès la période romaine. Les inventaires archéologiques du XIXe siècle signalent de nombreux vestiges entre la ville et les environs de Traon-Elorn. Au haut Moyen Âge, de petites cellules monastiques, des « lan », sont établies dans la vallée. La toponymie permet d’en repérer une à Saint-Ernel (Ernel est une évolution de Ternoc-Terneo, le nom du saint éponyme de la ville) et à Lanrinou (le lan de Rinou). Les églises de Beuzit-Conogan et de Saint-Houardon, citées dans un acte du milieu du xie siècle, ont peut être aussi pour origine un établissement du même type.

Moyen Âge

Le nom de Landerneau apparaît en 1206, soit à une période où l’agglomération est en plein développement. L’établissement est alors la principale ville de la seigneurie du Léon, un fief né du démembrement de la vicomté du même nom. Il compte deux sanctuaires : l’église Saint-Houardon, déjà mentionnée, et Saint-Thomas, un prieuré de l’abbaye de Daoulas installé avant 1218. En 1336, un hôpital, dédié à saint Julien, est bâti près du pont.

Après la mort d’Hervé VIII de Léon en 1363, la ville entre dans le domaine des vicomtes de Rohan, une famille qui ne fera que renforcer son influence. À la fin du Moyen Âge, Landerneau est une agglomération active qui abrite une bourgeoisie enrichie grâce au développement du commerce maritime.

Landerneau comprenait quatre paroisses : Saint-Houardon, Saint-Julien et Beuzit-Conogan, faisant partie de l’archidiaconé d’Ac’h et relevant de l’évêché de Léon et, sur la rive gauche, Saint-Thomas relevant de l’évêché de Cornouaille.

L’historien Jean Kerhervé résume ainsi l’histoire de Landerneau au Moyen Âge :

« L’histoire médiévale de Landerneau souffre d’une pénurie de sources qui tient à la disparition, pendant la Révolution française, d’une majeure partie des archives de la seigneurie de Léon. Des origines au xiiie siècle, on peut seulement entrevoir la naissance, sur le premier gué de l’Élorn (portus), autour d’un point fortifié et de deux bourgs monastiques, d’une agglomération qui profite de l’installation d’une famille seigneuriale, celle des Hervé de Léon (vers 1180). Un pont et un hôpital sont attestés en 1336. Chef-lieu de seigneurie et port d’armement et de commerce, la ville tire parti des productions agricoles de son arrière-pays et noue des relations avec le monde atlantique. Son développement urbain demeure limité et sa population modeste. Elle n’attire que tardivement un couvent d’un ordre mendiant (des moines franciscains s’installent en 1488). Mais sa réussite se traduit par l’émergence dans les sources d’une élite de citadins aisés (artisans, marchands, armateurs et maîtres de navires, membres de l’administration seigneuriale). Vers 1500, le paysage urbain se dessine un peu mieux, avec le pont de pierre habité, un réseau de rues en formation, de puissants moulins, un hôpital, des églises (Saint-Thomas, Saint-Houardon, Saint-Julien), des halles, des hôtels bourgeois et un quai de pierre où accostent les navires marchands en provenance de tous les horizons atlantiques, du Portugal au Îles Britanniques et à la Flandre. »

Louis Le Guennec évoque en ces termes le moulin-prison du pont de Rohan, disparu peu avant 1929 :

« Qui ne connaît au moins par l’image l’imposant moulin-prison édifié en 1510 sur le pont de Landerneau par Jean, vicomte de Rohan, comte de Porhoët ? Moulin fameux qui, selon le proverbe breton, n’était situé ni en Léon, ni en Cornouaille (parce que entre les deux), que remplace aujourd’hui une maison vulgaire et dont les amis du passé pleurent encore la large porte sertie d’une riche arcature feuillagée, les chevronnières hérissées de boutons végétaux, les fenêtres à croisillon, les robustes éperons d’angle, la tourelle enfin qui complétait l’aspect quasi-féodal de ce vénérable logis. »

En 1543, Ambroise Paré, qui accompagne René Ier de Rohan venu défendre la province, trouve « la population en armes, le tocsin sonnant de toutes parts » en raison de la menace d’un débarquement anglais finalement écarté. Il en profite pour décrire le jeu de la lutte bretonne alors déjà pratiquée.

Les XVIe siècle et XVIIe siècle
La prospérité linière

La ville connaît une période de forte prospérité aux XVIe et XVIIe siècles grâce au commerce du lin. En effet, on produisait dans la région quantité de toiles fines de lin, appelées « crées »19. Landerneau était donc, après Morlaix, le deuxième port d’exportation des crées du Léon entre le XVIe siècle et le XVIIIe siècle. À partir de 1736, c’est ainsi que Morlaix, l’un des lieux d’implantation d’un « bureau des toiles » qui contrôle la qualité et la longueur des crées.

Mais le commerce landernéen ne se limite pas aux crées : l’exportation des cuirs, des papiers (jusqu’à la perte du privilège d’exportation en 1771), des bestiaux et des chevaux. À l’importation, les bois, les vins et le fer venu d’Espagne et de Suède constituaient les principaux trafics entrant dans le port.

Landerneau servait aussi de port d’entrepôt pour les besoins du port de Brest pour le bois et les genêts nécessaires à l’alimentation en combustible de la quarantaine de fours du port de Brest et que des gabares venaient chercher. De même les vivres de la marine y entreposaient des grains, du vin (conservé dans onze à douze cents barriques), les fèves, les pois, les salaisons, etc.

L’importance du commerce landernéen a provoqué l’émergence de grandes familles de négociants comme celles des Duthoya, des Mazurier, des Drezen ou encore Marguerite Mével, bourgeois allogènes et francophones distincts des paysans-marchands de toile, les juloded, des zones rurales avoisinantes.

Les autres faits des XVIe siècle et XVIIe siècle
Landerneau est concernée par la Révolte du papier timbré en 1675, dite aussi "Révolte des bonnets rouges".

Landerneau, capitale administrative traditionnelle

La « maison de la sénéchaussée » en pierre de Logonna, édifiée en 1664. Au rez-de-chaussée est installée la Maison du Tourisme.
La seigneurie de Léon s’étendait sur 42 paroisses et trèves ; à la veille de la Révolution française, elle avait encore conservé ses droits de port et havre et le droit de ménage sur toutes les marchandises vendues sur les marchés.

La sénéchaussée seigneuriale de Landerneau subsistait encore à la veille de la Révolution : à sa tête, le sénéchal était l’une des personnalités les plus importantes et les plus riches de la ville. L’existence de cette juridiction explique la présence d’avocats, de procureurs, de greffiers, sergents et huissiers. Toutefois en appel, c’est la juridiction royale de Lesneven qui était compétente.

Landerneau était aussi sous l’Ancien Régime le siège d’une subdélégation couvrant 35 paroisses avoisinantes ; le subdélégué le plus connu fut Kervéguen Le Coat, accablé de dettes mais propriétaire d’une très belle bibliothèque.

Le XVIIIe siècle

L’aménagement du port de Landerneau au XVIIIe sièclemodifier
Le quai de Cornouaille (rive gauche) est achevé en 1745 et rehaussé en 1774 car il était inondé à chaque marée ; le quai de Léon (rive droite) est achevé en 1762 et l’on y ajoute une cale de carénage et de construction navale en 1785. Mais accéer au port par voie maritime reste difficile. Le cahier de doléances de Landerneau se plaint « que le redressement et le curage de la rivière et de l’entrée du port qui s’encombrent journellement par des vases » sont une nécessité.

Jacques Cambry décrit ainsi le port vers 1794 :

« Le port de Landerneau est à l’embouchure de l’Élorn dans la rade de Brest ; c’est un des plus importans du Finistère ; il est protégé par les fortifications et les mouvemens du port de Brest. (…) Il servirait aussi très utilement d’entrepôt à celui de Brest. Mais pour jouir de tous ces avantages, il faudrait dégager le chenal des vases qui l’obstruent dans une longueur d’environ quinze cents toises, ce chenal est dans cette longueur très sinueux, et les angles saillants de ces sinuosités forment des noyaux d’atterissemens pour tous les corps étrangers que le flux délaie et apporte à toutes les marées ; l’entre du port est d’ailleurs d’une obliquité sensible.Il faudrait pour détruire ces inconveniens redresser le lit de la rivière en forment sur la rive droite un quai de halage pour faciliter la remonte des bateaux, lorsque les vents sont contraires »

La ville de Landerneau au XVIIIe siècle

Landerneau est un carrefour, d’où la mixité des populations, des costumes, des métiers (…) On y parle français et breton, on s’habille en costume traditionnel et à la française (…). Le cœur de la ville gravite autour du pont et du port trois domaines religieux (Ursulines, Capucins, Récollets) s’étendent alentour et très vite on arrive dans les campagnes aux activités diverses. Les riches négociants bâtissent des maisons imposantes en pierre de Logonna ou en kersanton pour les linteaux de porte et fenêtres.

La ville de Landerneau est ainsi décrite en 1792 :

« On lui donne 4 000 habitants. Elle a trois paroisses : Saint-Houardon, Saint-Thomas, Saint-Julien, un couvent de Capucins, un de Récollets. Ces derniers sont à 8 ou 900 toises au-dessous de la ville. Sur la rive gauche de l’Élorn, on y voit encore une grande maison appartenant aux Ursulines louée au Roi dans la dernière guerre27 pour y servir d’hôpital et dans la suite de casernes des troupes de marine. La ville a une juridiction seigneuriale appartenant au duc de Rohan Prince de Léon de laquelle principalement elle est le chef-lieu. Son commerce autrefois assez brillant est aujourd’hui presque ruiné, deux ou trois négociants le soutiennent seuls. Il ne se fait plus que par commission pour l’Espagne et le Portugal. Les importations et les exportations sont absolument les mêmes qu’à Morlaix. »

La Révolution française

En 1791, la paroisse de Beuzit-Conogan fut supprimée et partagée entre Landerneau (la plus grande partie) et Saint-Thonan.

Elle fut chef-lieu de district de 1790 à 1795.

Le XIXe siècle
La "Société linière"

« Une manufacture comprenant 120 métiers à tisser est fondée en 1820 ; on y tisse le lin, le coton, les siamoises de couleur, le linge de table (…). Cette manufacture occupe 400 ouvriers, tisserands, dévideuses, teinturiers, etc. (…) Environ 200 000 aunes de toiles de toutes espèces s’y fabriquent annuellement et se consomment savoir : la moitié par l’intérieur, le quart pour la Marine Royale, le quart pour les colonies ».

Le XXe siècle
Les querelles liées à la laïcité

Le journal La Croix du 9 juin 1903 écrit :

« Des commissaires de police, envoyés par le gouvernement, viennent de se rendre dans ceux des établissements enseignants du Finistère dirigés par les anciens Frères de Ploërmel, qui devaient se fermer le 31 mai dernier, pour voir si la fermeture avait eu lieu réellement. (...) À Landerneau (...), les commissaires ont trouvé les Frères revêtus d’habits laïques, continuant à faire l’école, se déclarant sécularisés et libres, par conséquent, d’enseigner. »

Le mystère de la Grande-Palud

Louis Cadiou, ancien avoué alors âgé de 48 ans, directeur de l’usine de coton à poudre de la Grande-Palud qu’il avait acheté en 1909 à un industriel allemand, Teinming, disparut probablement le 30 décembre 1913 ou l’un des jours suivants (car la date de sa disparition resta incertaine) et son cadavre trouvé un mois plus tard dans un bois près de son usine. Il était soupçonné de fraude et faisait l’objet d’une enquête au moment de sa disparition. Alors que l’enquête piétine, l’ingénieur Louis Pierre est finalement inculpé (Louis Cadiou aurait été tué par un couteau lui appartenant) et son procès s’ouvre le 29 juillet 1914 devant la Cour d’assises du Finistère, mais est reporté en raison de la déclaration de la Première Guerre mondiale. Le procès s’ouvre à nouveau le 23 octobre 1919, et Louis Pierre est finalement acquitté le 31 octobre 1919. Le mystère de cet assassinat demeure.

La Première Guerre mondiale

233 soldats landernéens sont morts pour la France pendant la Première Guerre mondiale. Un soldat de la commune, Yves Marie Garoff, est aussi mort au Maroc lors de la bataille d’Ehlri le 13 novembre 1914.

Par ailleurs 58 soldats sont inhumés dans le carré militaire du cimetière de Landerneau ; la plupart sont décédés alors qu’ils étaient hospitalisés à Landerneau des suites de leurs blessures ou de maladies contractées en service commandé et sont originaires de toute la France et, pour certains, de son empire colonial.

La Seconde Guerre mondiale

Un groupe de résistants FTP se constitue au cours de l’année 1942 à Landerneau autour de Jean Sizorn, Henri Lambert, Marcel Peucat, Marcel Briand, l’abbé Palpatz38, etc., prenant par la suite le nom de « groupe Lambert », et commence, en liaison avec les résistants FTP brestois dirigés par Mathieu Donnart (alias colonel Poussin) à commettre des sabotages, provoquant notamment un déraillement le 5 décembre 1943 sur la ligne de Quimper à Landerneau, puis quatre autres déraillements par la suite. Le 19 avril 1944 à Landerneau, trois membres du réseau, André Millour, Alain Daniel et Henri Bourhis, âgés de 21 à 24 ans, le premier peintre, les deux autres boulangers, accusés de sabotage de voies ferrées, sont exécutés par les Allemands39. Parmi les autres membres du réseau, François Pengam40 fut aussi fusillé le 27 mai 1944 à la prison de Pontaniou à Brest ; Marcel Boucher, Guy Raoul et André Garrec furent abattus par les Allemands le 5 février 1944 après avoir tué un colonel allemand et son ordonnance près de Trédudon-le-Moine ; la femme de Jean Sizorn et leur fille furent déportées au camp de concentration de Ravensbrück où elles moururent.

D’autres résistants landernéens ont été déportés, notamment Fernand Yvinec, membre du réseau de résistance Alliance, déporté au camp de concentration de Natzwiller-Struthof où il fut exécuté le 20 mai 1944, Joseph Le Roux, déporté au camp de concentration d’Oranienburg-Sachsenhausen et décédé le 15 mai 1945 à Bergen-Belsen, Georges Le Saout, membre du groupe de résistance Libé-Nord, arrêté en juillet 1943 par les Allemands, déporté et mort dans un camp de concentration.

Joseph Louis Galliou, né le 2 septembre 1920 à Plounéventer, parachutiste au 2e régiment de chasseurs parachutistes, fut fusillé par les Allemands à Trédion (Morbihan) au lieu-dit Kerlanvaux le 15 juillet 1944 en même temps que six autres parachutistes et un paysan.

81 Landernéens sont morts pour la France pendant la Seconde Guerre mondiale.

L’après-Seconde-Guerre-mondiale

10 Landernéens sont morts pour la France pendant la guerre d’Indochine et 8 pendant la guerre d’Algérie.

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