Sabordage de la flotte française à Toulon 27 novembre 1942

Quai Milhaud la flotte sabordée novembre 1942 Toulon
Quai Milhaud la flotte sabordée novembre 1942 Toulon
de gauche à droite : Strasbourg, Colbert, Algérie, Marseillaise

La plus grande partie de la flotte française a été sabordée à Toulon le 27 novembre 1942 sur l’ordre de l’Amirauté, en réaction à l’opération Lila consistant à la capture de la flotte du régime de Vichy par le Troisième Reich. Près de 90 % de la flotte française stationnée dans la base navale de Toulon est détruite ; quelques rares unités appareillèrent, échappant tant au sabordage qu’à la capture par les forces de l’Axe.

L’opération a été un échec relatif pour l’Axe. Elle a été saluée par les Alliés, méfiants de la neutralité ambiguë de Vichy. Le sabordage a scellé la disparition de la capacité militaire de Vichy, le refus du régime de s’engager du côté des alliés, mais aussi son incapacité à satisfaire toutes les exigences de l’occupant nazi.

Le 11 novembre 1942, le contre-amiral Gabriel Auphan avait donné l’ordre aux deux amiraux de Toulon de :

  • s’opposer, sans effusion de sang, à l’entrée des troupes étrangères dans les établissements, bases aériennes, ouvrages de la marine ;
  • s’opposer de même à l’entrée des troupes étrangères à bord des bâtiments de la flotte ; par des négociations locales, s’efforcer d’arriver à un accord ;
  • en cas d’impossibilité, saborder les bâtiments.

C’est cette dernière solution qui sera appliquée, dans la nuit du 26 au 27 novembre 1942, les amiraux André Marquis et Jean de Laborde ayant appris que les Allemands étaient sur le point de tenter un coup de main sur la flotte.

Le 8 novembre 1942, des mouvements de troupes allemandes importants signalés en zone occupée laissent présager un coup de force imminent sur la zone libre. Dans cette perspective, l’armée de terre a pris ses précautions. Un dispositif d’alerte, depuis longtemps préparé par le général Jean-Édouard Verneau, a été déclenché. Un PC clandestin aménagé à la ferme de La Rapine à Lezoux est occupé par l’État-Major de l’Armée. Les divisions militaires sont alertées. Les troupes sont mises sur le pied de guerre et gagnent les zones de regroupement choisies pour permettre la résistance immédiate et l’organisation ultérieure de maquis. Ce dispositif de résistance, conçu par des militaires audacieux, sera notamment appliqué par le général Jean de Lattre de Tassigny.

Le 11 novembre, à 4 h du matin Pierre Laval, en visite à Munich, est informé de la décision de Hitler de l’occupation totale de la France. Pétain en est également informé par une lettre personnelle du Führer. À 5 h 25, Hitler ordonne à ses troupes de traverser la France pour occuper la côte de la Méditerranée et participer avec les Italiens à la « protection » de la Corse.

L’amiral de Laborde réunit dix-neuf officiers supérieurs et leur fait prêter serment sur deux points : ne rien tenter contre les forces de l’Axe et défendre l’entrée de Toulon contre les Anglo-Américains et les Français « dissidents ». Tous obtempèrent, à l’exception du capitaine de vaisseau Louis Pothuau, commandant le Tartu et la 5e division de torpilleurs ; il sera relevé de ses fonctions13. À terre, le colonel Humbert, commandant la 1/2 brigade de chasseurs alpins d’Hyères, refusera également de prêter serment14.

Pendant ce temps, les blindés allemands sont signalés entre Avignon et Marseille. Le 12 novembre à 9 h, la « déclaration sur parole d’honneur » est lue par ordre du jour. Toulon est donc, désormais, l’unique enclave non occupée de la France métropolitaine. Après le 15 novembre, les troupes françaises reçoivent l’ordre du QG allemand de se retirer du camp retranché de Toulon. Puis, les avions français sont interdits de survol sur la zone. Le 26 novembre, les Allemands occupent le camp d’aviation de Palyvestre à Hyères, laissé jusque-là à la disposition de l’Armée de l’air française. Toujours le 26, des concentrations et des mouvements de troupes et de blindés allemands et italiens sont signalés entre Bandol et Sanary ainsi qu’entre Le Beausset et Ollioules.

Le 26 novembre 1942 à 23 h, les commandants de la panzerdivision sont prêts à foncer. L’opération Lila, la version définitive d’Attila, ne fixe qu’un objectif : s’emparer de la flotte française de Toulon intacte. Le 27 novembre à 1 h du matin, deux groupements blindés allemands partent d’Aix-en-Provence et de Gémenos et font mouvement sur Toulon.

Le 1er groupement en passant par Solliès-Pont est chargé de pénétrer dans Toulon par l’est, d’occuper le fort Lamalgue, de capturer l’amiral André Marquis, le central téléphonique et le centre de transmission, puis d’envoyer des éléments blindés et des pièces d’artillerie au Mourillon, d’occuper l’arsenal et s’emparer des sous-marins. Le 2e groupement en passant par Sanary, Six Fours, Les Sablettes est chargé de pénétrer dans Toulon par l’ouest, d’occuper la base aéronavale de Saint-Mandrier et d’y mettre immédiatement en batterie un élément d’artillerie, de s’emparer du PC à la Croix des Signaux et d’occuper toute la presqu’île de Saint-Mandrier ainsi que les ouvrages de côte et les batteries.

Deux autres colonnes doivent entrer dans Toulon avec pour mission de s’emparer de tous les quais, appontements, postes d’amarrages et bâtiments français en s’opposant au besoin par la force à toute tentative de destruction.

À 4 h 25, le premier char allemand prend sous ses canons les factionnaires du fort Lamalgue. À 4 h 57, le central téléphonique est totalement isolé. Toutefois pendant 32 minutes les officiers français ont eu le temps de donner l’alerte. Les consignes sont données et les mêmes ordres sont aussitôt donnés aux autres chefs de secteurs. Le navire amiral, le Strasbourg, lance le branle-bas général à l’escadre. La surprise totale du départ est désormais éventée. À partir de 5 h 10 les détachements de pionniers allemands escaladent les murs et ouvrent les portes puis mettent en batterie les pièces de 77, les mortiers et les projecteurs. Ailleurs ce sont des chars et des pièces d’artillerie. La Luftwaffe entre également en action avec pour mission d’illuminer le port pour permettre la surveillance du mouvement des navires. À 5 h 15, commence la seconde partie de l’opération Lila dont dépend le succès ou l’échec du plan : la mainmise sur cette flotte que Hitler convoite. À 5 h 15 les Panzers et les chenillettes de la seconde vague pénètrent dans le port. Des camions et un train ont été envoyés aux alentours de l’arsenal, ils sont destinés à obstruer les voies et à retarder l’arrivée des Allemands aux abords de l’arsenal. À 5 h 20 les chars allemands ont contourné les obstacles et menacent l’arsenal du Mourillon. Les amiraux Arnaud Dornon et Jean de Laborde donnent, par radio et téléphone principalement, les instructions pour le sabordage.

À 5 h 25, la porte de l’arsenal principal est enfoncée par les blindés allemands. À 5 h 30, une seconde colonne de chars allemands menace les appontements Milhaud. Au même moment, le vice-amiral Maurice Le Luc et Pierre Laval, de Vichy, appellent Toulon et donnent l’ordre d’éviter tout incident15. Pour Laval, il faut empêcher le sabordage de la flotte et rester en bon terme avec l’occupant : quand il lui apparut évident que Toulon, en absence de réponse, saborderait sa flotte, il chercha désespérément à les joindre16. La communication étant mauvaise, puis soudainement coupée par l’irruption des Allemands, l’ordre ne sera pas transmis. À 5 h 35, l’ordre de sabordage, par radio, est donné. Les sous-marins Casabianca, Vénus, Marsouin, Iris et Le Glorieux parviennent alors à franchir les passes du port militaire, à la sortie de la rade, au prix des pires difficultés : champs de mines magnétiques, bombardements et tirs allemands, filet métallique fermant la passe. À 5 h 40 la plupart des bâtiments ont reçu l’ordre de sabordage. Cependant le chevauchement de ces ordres provoque un certain flottement. Certains, tel le vice-amiral d’escadre Émile Lacroix, décident de surseoir à l’exécution sans ordre écrit, estimant qu’il y a contradiction entre l’ordre d’allumer les feux (assimilé à un appareillage) et l’ordre de prendre les dispositions finales17. À 5 h 45, les Allemands franchissent le mur d’enceinte de Milhaud, et tentent de prendre d’assaut le navire amiral, le cuirassé Strasbourg. Celui-ci étant écarté du quai, les fantassins sont impuissants, ils lâchent alors des rafales d’armes automatiques et les chars tirent au canon. Le Strasbourg riposte, les Allemands battent en retraite. C’est alors qu’un nouvel ordre téléphonique de Pierre Laval ordonne : « évitez tout incident, annulez l’opération ordonnée ». L’ordre d’arrêter le sabordage est donc lancé[réf. nécessaire], mais il n’arrivera jamais au cuirassé Strasbourg. À 5 h 55, les Allemands franchissent à nouveau le mur d’enceinte et reparaissent sur le quai.

Ces 10 minutes permettent aux autres navires amarrés à Milhaud de terminer leur sabotage. À 6 h l’ordre de hisser les couleurs est donné. À 6 h 10, les Allemands pénètrent sur le Provence. À 6 h 20, le Provence est sabordé, sans explosif, avec les Allemands à bord. Entre 6 h 10 et 6 h 30 les équipes de sabordage allument les mèches, ouvrent les vannes, noient les soutes… quelquefois malgré la menace des soldats allemands. À 6 h 30, on entend de nombreuses détonations, les explosions se succèdent. Certains navires, comme les croiseurs Algérie, Marseillaise ou Dupleix, brûleront pendant plusieurs jours.

Entre 6 h 45 et 7 h, les Toulonnais tirés de leurs lits vers 5 h par le vrombissement des avions, le roulement des chars, le fracas des explosions, descendent dans la rue, une fois le silence revenu.

Bilan

Pour les Allemands, l’opération Lila se solda donc par un échec. Il s’explique par le retard du second groupe allemand (celui venant de l’Ouest) et surtout par la parfaite mise au point des consignes de sabordage par la marine française.

Le bilan au soir du 27 novembre fait état de 90 % de la flotte de Toulon sabordée, dont la totalité des forces de haute mer qui y étaient basées. Tous les grands bâtiments de combat sont coulés et irrécupérables. Certains seront par la suite renfloués, mais seront démantelés.

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Sources Wikipedia :

Opération Anton
Sabordage de la flotte française à Toulon
Opération Catapult - Attaque de Mers el-Kébi
Opération Torch

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