LDE carnet de route p.14 1917
Dimanche 22 avril. ━ Aménagement des tentes.
Nous creusons des fossés pour éviter l’envahissement de la pluie qui n’a cessé de tomber toute la nuit.
À l’est, du côté de Muizon, de gros noirs lourdement s’épanouissent en fumées noires. Pour la première fois nous voici dans la zone du feu. Il nous tarde d’y entrer à fond pour faire notre devoir comme les anciens.
Lundi 23 avril. ━ La Division a pris les lignes devant nous, dans un secteur qui longe le canal de la Marne au Rhin.
De la pente où s’accroche le village on distingue avec des jumelles l’horizon nord. Dans la zone du canal, un bourrelet de ouate blanche marque le front.
Poussière crayeuse et fumées enrobent les reliefs du paysage. Cependant une masse trapue émerge de cet horizon informe, le fort de Brimont que nos troupes n’ont pu enlever à l’ennemi. On distingue nettement les obus qui percutent sur sa structure.
Mercredi 25 avril. ━ Un train blindé s’est installé dans la vallée, derrière la crête de Muizon.
Dans la nuit, la vibration des départs a fait écrouler une vieille maison du village.
Des prisonniers traversent Germigny. Ce sont des hommes complètement épuisés, haves et terreux ; ils avancent silencieusement comme des brutes sans âmes.
Le village de Gueux sur notre droite reçoit quelques obus de gros calibres.
Dans la soirée, rencontre d’anciens du 107e R. I., versés au 409 stationné dans la région.
Jeudi 26 avril. ━ Reims brûle.
D’énormes fumées noires s’élèvent des quartiers avoisinant la cathédrale.
Dans la nuit, des aéros boches bombardent le camp d’aviation de Bouleuse à 2 km. d’ici. Tirs de défense à balles lumineuses. Véritable feu d’artifice d’étoiles filantes.
Vendredi 27 avril. ━ Vive canonnade sur les lignes et combats aériens.
Marche de 12 km, pour ne pas rester inactifs. Rencontrons de la cavalerie qui se dirige vers les lignes.
Dimanche 29 avril. ━ Au camp de Bouleuse, j’assiste à l’arrivée de Spades rapides et légers.
Ils viennent de soutenir un combat à 3.000 mètres. Les pilotes sont de jeunes officiers de toutes les armes.
Je vais jusqu’aux pièces de 320, véritables monstres de fer qui, de Rosnay, lancent leurs énormes obus. On peut les suivre quelques secondes dès la sortie des gueules noires.
Lundi 30 avril. ━ Violent bombardement.
Nuit rayée d’éclairs rouges et de fusées blanches. On raconte que la Division va attaquer. Travaillons à l’aménagement d’une route sous les ordres du lieutenant Laloie. Au soir, douches.
L’ennemi bombarde avec rage la ville de Reims. Tout un quartier flambe et les lueurs de l’incendie enflamment les nuages.
Vendredi 4 mai. ━ On nous annonce que la D. I. a attaqué ce matin a 6 heures dans le secteur de Loivre.
Mont Espin
Le soir des détails nous parviennent. L’attaque s’est faite face au Mont Espin. Le 128e RI a rencontré une résistance farouche suivie de furieux corps a corps à la grenade. Pertes énormes en officiers.
La batterie de 320 est contre-battue par l’ennemi. Le soir, violent bombardement. L’ennemi doit contre-attaquer.
Le 6 mai, on annonce que Craonne et le plateau ont été pris par nos troupes. 6.000 prisonniers
Lundi 7 mai. ━ Nous reprenons la réfection de la route.
L’ennemi contre-bat la batterie de 320 mm par du 24 cm. Ce calibre est donné par les anciens. Nombreux aéros boches en vue.
Mardi 8 mai. ━ On annonce qu’une contre-attaque ennemie a été repoussée.
La D.I. a été très éprouvée.
Mon camarade Massiot, de Bordeaux, a été tué.
Le 9 mai, le 272e R. I. s’empare de 400 mètres de tranchées et fait 120 prisonniers.