Bretagne

  • 10 novembre 2014

La Bretagne /bʁətaɲ/1 Écouter (Breizh /brɛjs/2 en breton, Bertègn en gallo) est une entité géographique et culturelle, et une des nations dites celtiques. À la fin de l’Empire romain, elle connaît un afflux de population dû à une immigration 3,4 de Bretons insulaires dans une partie de l’ancienne Armorique gauloise, et vont influencer durablement sa culture. Ceux-ci créent un royaume au ixe siècle, qui devient ensuite un duché dépendant du royaume de France. Réunie à la couronne de France en 1532, elle intègre le domaine royal et devient une province française, jusqu’à sa partition administrative en 1790 en cinq départements : Côtes-du-Nord, Finistère, Ille-et-Vilaine, Loire-Inférieure et Morbihan.

Histoire

Préhistoire

Fouilles archéologiques à Menez Dregan, sur la commune de Plouhinec.
La Bretagne est peuplée par l’Homme dès le Paléolithique inférieur avec une population néandertalienne qui ne se distingue pas de celle du reste de l’Europe occidentale, et qui est sans doute peu nombreuse. Sa seule spécificité est l’existence d’un faciès particulier, le Colombanien15, centré sur Carnac. Un des plus anciens foyers connus au monde, datant d’environ 450 000 ans, a été découvert à Menez Dregan à Plouhinec.

Les premiers Hommes modernes arrivent en Bretagne vers -35 000 et remplacent ou absorbent les Néandertaliens. Le Paléolithique supérieur est marqué par des industries de transitions, proches du Châtelperronien sur la côte nord et par des industries plus classiques, de facture magdalénienne, au sud de la Loire, sans qu’on puisse savoir si la différence entre les deux est purement culturelle ou si elle reflète la persistance d’un réduit néandertalien.

Au Mésolithique, la Bretagne se couvre de forêts et est peuplée par des communautés relativement nombreuses, divisées en trois groupes régionaux. Au Mésolithique récent, s’amorce une tendance à la sédentarisation, notamment dans les sites de Téviec et d’Hœdic16, avec peut-être un passage à l’élevage.

L’agriculture arrive en Bretagne au Ve millénaire av. J.-C., apportée par des migrants venus du sud et de l’est. La néolithisation ne se traduit cependant pas par un remplacement de population. Les chasseurs-cueilleurs locaux adoptent les nouvelles techniques qui permettent l’émergence de sociétés complexes, notamment autour de l’actuel golfe du Morbihan.

Cairn sur l’îlet de Gavrinis sur la commune de Larmor-Baden (Morbihan).
Cela se traduit par l’apparition d’une architecture mégalithique, d’abord des cairns, puis des tombes princières et des alignements. Le département du Morbihan concentre à lui seul de nombreux mégalithes dont le Grand menhir brisé d’Er Grah, plus grand monument transporté et érigé par les Hommes du Néolithique. Le site le plus connu est situé à Carnac.

Même si des influences de la culture de la céramique cordée se font sentir à la fin du Néolithique, la Bretagne présente une certaine continuité culturelle jusqu’au début de l’âge du bronze. Le campaniforme, très présent semble ainsi s’intégrer aux traditions locales.

Protohistoire celtique

Au ve siècle av. J.-C., la Bretagne est touchée par la seconde vague d’expansion celtique (civilisation de La Tène). Les Celtes imposent leur langue et leurs coutumes. Ils font découvrir le fer aux populations locales tandis que l’agriculture se développe. Le territoire breton est occupé par cinq peuples principaux :

les Coriosolites dont le territoire se situait dans l’Est de l’actuel département des Côtes-d’Armor, dans l’Ouest de l’Ille-et-Vilaine et le Nord-Est du Morbihan et qui ont donné leur nom à la ville de Corseul ;
les Namnètes résidaient dans l’actuel département de la Loire-Atlantique, au nord de la Loire. Ils ont donné leur nom à la ville de Nantes ;
les Osismes étaient localisés dans l’actuel département du Finistère et la partie ouest des Côtes-d’Armor et du Morbihan ;
les Riedones résidaient dans l’Est de l’actuel département d’Ille-et-Vilaine. Ils ont donné leur nom à la ville de Rennes ;
les Vénètes se situaient dans l’actuel Morbihan, apparentés aux peuples homonymes de Vénétie et du Gwynedd. Ils ont donné leur nom à la ville de Vannes (Gwened en breton).
Auxquels on peut rajouter les Ambilatres, qui résidaient dans le Sud de la Loire-Atlantique et le Nord de la Vendée, mais leur localisation n’est pas certaine et leur existence même est problématique18.

Ces peuples avaient de fortes relations économiques avec les Celtes de l’île de Bretagne, notamment pour le commerce de l’étain. Ils appartenaient à une « confédération armoricaine »[réf. nécessaire] de peuples gaulois qui, selon Jules César, comprenait « les Coriosolites, les Riedones, les Ambibarii, les Calètes, les Osismes, les Lémovices et les Unelles » (Commentaires sur la Guerre des Gaules, Livre VII, 7519.) recouvrant ainsi un territoire bien plus large que la Bretagne actuelle allant de l’estuaire de la Loire à celui de la Seine.

Antiquité gallo-romaine

L’Ouest de la Gaule romaine sur la table de Peutinger.
Le territoire de la future Bretagne, comme toute l’Armorique, fut conquis par les Romains lors de la guerre des Gaules.

Migration bretonne et fondation de la Bretagne continentale
À la fin du ve siècle, les Bretons de l’île de Bretagne (Grande-Bretagne actuelle), ont émigré en Armorique avec leurs coutumes et leur langue, leur présence ayant été organisée antérieurement pour la défense de l’Empire romain face aux migrations germaniques. Cette période est celle de la légende des sept saints fondateur de la Bretagne. La Bretagne avec neuf diocèses est créée. Ils vont perdurer jusqu’à la révolution.

La thèse selon laquelle cette migration aurait eu pour cause la pression des envahisseurs anglo-saxons a pour origine le De Excidio de Gildas. Elle est maintenant remise en cause. André Chédeville et Hubert Guillotel notent, par exemple : « Il paraît maintenant certain que la pression vint de l’ouest et non de l’est et qu’elle fut exercée par d’autres peuples celtiques, de langue d’ailleurs distincte : les Scots d’Irlande »20.

Ils ont donné leur nom à cette région, qui s’est longtemps appelée Petite Bretagne ou Bretagne continentale, par opposition avec leur île d’origine.

Moyen Âge

Bataille de la Roche-Derrien pendant la guerre de Succession de Bretagne.
Au haut Moyen Âge, la Bretagne était divisée en deux, puis trois royaumes21 — la Domnonée, la Cornouaille et le Broërec (initialement appelé Bro Waroch) — qui furent réunis sous l’autorité des ducs et rois de Bretagne22 au ixe siècle.

Nominoë, souverain de Bretagne de 845 à 851, fut à l’origine de la naissance d’une Bretagne unifiée et indépendante, d’où le qualificatif de père de la Patrie (Tad ar Vro en breton) qu’Arthur de La Borderie lui attribua en 189823.

Cette Bretagne s’érige donc au ixe siècle sous le roi Erispoë en un royaume unifié22 : le royaume de Bretagne. Le traité d’Angers en septembre 851 en définit les limites. Le traité d’Angers vole en éclats sous le roi Salomon qui repart en guerre contre Charles le Chauve aux prises avec les vikings. Grâce aux conquêtes du roi Salomon, et des traités d’Entrammes de 863 et de Compiègne de 867, la Bretagne atteint alors son extension maximale et comprend l’Avranchin, le Cotentin, les îles Anglo-Normandes, une bonne partie du Maine et de l’Anjou. Après l’assassinat de Salomon, par Gurwant et Pascweten, en 874, la monarchie bretonne connait une crise. Ces derniers se partagent le Royaume et font appel aux mercenaires vikings.

Le royaume est déstabilisé par les occupations et les incursions des Vikings au début du ixe et xe siècles24’25.

La Bretagne perd ses dernières conquêtes sur l’Anjou, le comté du Maine et la Neustrie. En 909, à la suite de la mort du roi de Bretagne Alain Ier le Grand, Foulque Ier d’Anjou reçoit le comté de Nantes (comté qui avait définitivement acquis le pays de Retz sur le Poitou). Ce dernier est repris aux vikings par le duc Alain II de Bretagne en 93726.

Dès la fin du xiiie siècle (et bien avant l’union du duché de Bretagne au royaume de France), l’administration ducale abandonna le latin au profit du français, sans passer par le breton. Jusqu’au xiiie siècle, les actes administratifs et juridiques sont rédigés en latin, puis le français concurrence le latin dans les actes de la chancellerie27,28.

Reconstituée par le duc Alain II de Bretagne, dit Barbetorte, après la bataille de Trans en 939, et ses successeurs, la Bretagne est un duché qui reprend globalement les limites du traité d’Angers. En Bretagne, les ducs continueront d’exercer les prérogatives royales de leurs prédécesseurs29 et maintiendront des alliances tant avec la famille royale française qu’avec la famille royale anglaise, par des mariages le plus souvent avec des princesses des noblesses respectives. La Bretagne constitue un fief ou un arrière-fief du royaume de France ou du royaume d’Angleterre — hommage rendu au roi de France (942), puis aux comtes d’Anjou ou de Blois, aux rois d’Angleterre et ducs de Normandie (de 1030 à 1200), de nouveau au roi de France à partir de 1203 (avec Guy de Thouars), puis aux rois d’Angleterre de 1341 à 139630,31.

Anne de Bretagne

Dans le jeu de liens féodaux, la Bretagne devient un enjeu important entre le roi d’Angleterre (qui revendiquait le trône de France) et le roi de France. Les relations entre le duché et ses voisins dépendaient essentiellement des rapports personnels qu’entretenaient leurs chefs. La politique des ducs de Bretagne est alors souvent menée de manière indépendante, mais parfois dominée par le roi d’Angleterre et parfois par le roi de France. Les ducs de Bretagne, profitant des difficultés du pouvoir royal face aux grands féodaux, entretiennent une indépendance politique vis-à-vis du roi de France, notamment à partir des xive et xve siècles avec l’avènement de la dynastie des Montfort. Cette politique d’émancipation atteint son point culminant sous le règne de François II de Bretagne avec l’expulsion de l’administration royale.

À la suite de la révolte de grands féodaux contre le pouvoir royal lors de la guerre folle, François II, duc de Bretagne, subit d’importantes défaites militaires en 1488 (bataille de Saint-Aubin-du-Cormier). Le traité de Sablé dit « traité du Verger » est signé par Charles VIII, roi de France, et François II, duc de Bretagne, le 19 août 1488. Il stipule que le duc ne peut marier ses filles, dont l’une est héritière du duché, sans l’accord du roi de France. L’historien américain Eugen Weber pointe en ces termes les conséquences de la défaite de Saint-Aubin-du-Cormier : Après l’union forcée avec la France, les villes bretonnes furent envahies par des Français qui écrasèrent ou même remplacèrent les commerçants locaux, francisèrent les gens qu’ils employaient ou touchaient d’une autre façon. Les ports du roi comme Lorient ou Brest, étaient des villes de garnison en territoire étranger et le terme de colonie était fréquemment employé pour les décrir.

La guerre reprend pour encore trois ans sur le prétexte du non-respect des clauses du traité lors du premier mariage d’Anne de Bretagnen. 1, jusqu’à ce qu’en décembre 1491, Charles VIII épouse Anne de Bretagne. Le roi de France affermit son autorité sur la Bretagne.

Époque moderne

Article détaillé : Province de Bretagne.
En 1532 l’union perpétuelle entre le Duché et le Royaume est sollicitée à Vannes par des États de Bretagne. Dans la foulée, François Ier fait publier au parlement de Bretagne l’édit royal qu’il a signé au Plessis-Macé et qui garantit à la province certains privilèges (législation et impôts spécifiques). Ces privilèges existeront jusqu’à la Révolution française ; ils seront abolis lors de la nuit du 4 août 1789 au même titre que ceux des communes, des corporations, de la noblesse, du clergé et ceux propres à toutes les provinces du Royaume.

La période du xve au xviiie siècle est considérée comme la période la plus faste de la Bretagne qui est alors placée au cœur des routes commerciales maritimes les plus actives entre l’Espagne, l’Angleterre et la Hollande, et qui profite surtout du développement du premier empire colonial français en Amérique et aux Indes (création de la ville de « L’Orient » devenue « Lorient »). Les toiles de chanvre et de lin noyales, crées, bretagne ou olonnes symbolisent l’essor de cette période qui permit le financement d’un impressionnant patrimoine architectural. L’hôtel de la monnaie de Rennes est alors le premier de France. Le colbertisme, avec la création de manufacture dans d’autres provinces du Royaume, et les conflits avec l’Angleterre, soucieuse de limiter les flottes des nations continentales, entraîneront une récession qui culminera à la fin du xixe siècle.

La Bretagne était divisée en comtés (Cornouaille, Léon, Broërec, Tréguier, Penthièvre, Porhoët, Nantais, Rennais…) puis en huit baillies qui évolueront en quatre présidiaux, eux-mêmes divisés en sénéchaussées. Elle était aussi divisée en neuf évêchés (Broioù ou Eskopti en breton).

Le phare de la pointe des chats sur l’île de Groix (Morbihan).
Les projets de départementalisation
À la Révolution française, les privilèges des provinces sont abrogés dans la nuit du 4 août 1789. La Bretagne cesse d’exister en tant qu’entité administrative lors de la départementalisation.

Le premier projet débuta le 29 septembre 1789 où un quadrillage faisait partager la province en divisions parfaitement égales de dix-huit lieues de côté (soixante-douze kilomètres), divisé en neuf districts, eux-mêmes divisés en neuf cantons. Le but de cet aménagement territorial était de mieux contrôler ces entités à faible population afin de ne pas entraver le pouvoir central.

Un deuxième projet est discuté le même jour pour une Bretagne à cinq départements. L’Ille-et-Vilaine est amputée de l’Est du district de Vitré et La Guerche, de Redon et de Montfort ; mais annexe Dinan et Châteaubriant. Les Côtes-du-Nord se voient retirer Loudéac au profit du Morbihan et le Finistère intègre Le Faouët et Gourin.

Un troisième projet d’une Bretagne à six départements a vu le jour en décembre 1789, avec les délimitations suivantes :

Finistère Nord : Brest, Lannion, Lézardrieux, Plounévez-Quintin, Carhaix ;
Finistère Sud : Plougastel-Daoulas, Rostrenen, Guidel, Pointe du Raz ;
Côtes-du-Nord − Ille-et-Vilaine Nord : Paimpol, Saint-Brieuc, Saint-Malo, Dol, Les Forges, Corlay ;
Ille-et-Vilaine : Fougères, Vitré, Rennes, Redon, Châteaubriant, Sainte-Anne-sur-Vilaine, Ploërmel, Lanouée ;
Morbihan : Langon, Pontivy, Lorient, Vannes ;
Loire-Inférieure : limites actuelles excepté Châteaubriant.
Ainsi, Saint-Malo était le chef-lieu de son département33.

Finalement, la départementalisation définitive est appliquée le 26 février 1790 en cinq départements : Côtes-du-Nord (devenues Côtes-d’Armor en 1990), Finistère, Ille-et-Vilaine, Loire-Inférieure (rattachée en 1956 aux pays de la Loire et devenue Loire-Atlantique en 1957), et Morbihan.

C’est sur un exemplaire d’une carte de Bretagne, dessinée par le géographe Jean-Baptiste Ogée en 1771, que les députés bretons délimitèrent et approuvèrent la création des cinq nouveaux départements.