Bataille du Chemin des Dames (1917)

  • 1er mai 2020

Front de l'Ouest 1917

La bataille

Le paysage du champ de bataille
Les conditions météorologiques sont terriblement mauvaises quand commence l’offensive. En ce printemps 1917, il fait très froid et il neige même le 16 avril. Les Sénégalais qui se sont entraînés sur la Côte d’Azur, ne sont pas préparés à de telles températures. Nombre d’entre eux souffrent du gel. Le 17 avril, la pluie tombe d’une manière quasiment continue et rend le terrain très boueux. C’est surtout le mauvais temps qui gêne les préparations d’artillerie dont les objectifs visés ne seront pas toujours atteints. Les soldats qui s’élancent le 16 avril trouvent des positions allemandes très peu touchées par le bombardement.

Les bombardements ont mis la terre à nu et ont sculpté un paysage lunaire (trous d’obus, absence de végétation). Cette terre boueuse est continuellement retournée par les obus : elle n’est donc pas stable, elle se dérobe sous les pieds si bien que le soldat ne cesse de tomber, pour se relever et tomber à nouveau.

L’offensive du 16 avril
Assaut français au Chemin des Dames.
Tir de barrage sur Craonne.

3 h 30 : les hommes de première ligne se réveillent, se préparent et avancent jusqu’aux lignes ennemies
6 h 0 : l’offensive française est lancée, les hommes sautent les parapets et gagnent les premières lignes.
7 h 0 : selon le député Jean Ybarnégaray : La bataille a été livrée à 6 heures, à 7 heures, elle est perdue. Un peu partout sur le front, les hommes se rendent compte que l’avancée n’est pas aussi rapide que prévu. En effet, les hommes qui se sont lancés à l’assaut, échouent contre des deuxièmes lignes très peu entamées par les bombardements. Ils sont de plus pris en enfilade par des nids de mitrailleuses cachés et sont même parfois pris à revers par des soldats allemands qui sortent des souterrains comme à Hurtebise. En effet le terrain est très favorable aux défenseurs : situation en surplomb, réseau de souterrains desservant des carrières souterraines (les creutes) et des abris bétonnés, alors que les assaillants ne peuvent pas se protéger, doivent grimper une pente souvent raide et progressent sur un sol très instable. Les pertes sont considérables parmi les troupes qui faisaient partie de la première vague d’assaut. Le soldat Paul Clerfeuille note ainsi dans son journal : la première vague part, mais est aux deux tiers fauchée par les mitrailleuses ennemies qui sont dans des petits abris en ciment armé.11 La 10e division d’infanterie coloniale qui s’élance sur Hurtebise est aussi décimée : les pertes s’élèvent à 150 officiers et 5 000 soldats dont la moitié étaient des tirailleurs sénégalais.
9 h 0 : à l’est du Chemin des Dames, les chars d’assaut sont engagés dans le secteur de Berry-au-Bac, mais cette première intervention des chars dans l’Armée française est un échec cuisant : sur 128 chars engagés, 57 sont détruits, 64 sont tombés en panne ou sont enlisés12. En effet, ces chars sont lourds, lents (4 km/h) et restent souvent prisonniers d’un terrain marécageux. Ce sont donc des cibles faciles pour l’artillerie, d’autant plus que le réservoir d’essence placé sur le côté n’est pas protégé. Les pertes là aussi sont lourdes : 33 officiers et 147 soldats.
14 h 0 : premier communiqué officiel : la lutte d’artillerie a pris un caractère de violence extrême pendant la nuit sur tout le front compris entre Soissons et Reims. Il n’est pas encore question de l’offensive mobilisant plus d’un million d’hommes et qui a été lancée à 6 heures du matin. C’est que sur le terrain, la situation ne s’améliore pas. Il s’est mis à neiger et les soldats s’aperçoivent qu’ils ne progressent guère, que l’offensive est un échec. Le soldat Paul Clerfeuille écrit ainsi dans son journal : Ordre nous est donné de creuser des trous individuels. Moi qui ai entendu parler du plan, je sais qu’à cette heure nous devrions déjà avoir passé Craonne et être dans la vallée de l’Ailette. Je dis aux camarades : « Ça ne va pas ! » c’était vrai. […] le plan d’attaque du général Nivelle est raté.13
En fin de journée, les gains de terrain sont minimes : les seules avancées véritables sont en fait réalisées en contrebas du plateau entre Soupir et Chivy ou plus à l’est dans le secteur de La Ville-aux-Bois et celui de Loivre au nord de Reims. Ailleurs, c’est-à-dire sur le plateau du Chemin des Dames entre Cerny-en-Laonnois et Craonne, les forces françaises ont été repoussées. Les pertes en revanche sont considérables. Selon J.F. Jagielski14, les pertes s’élèvent à 134 000 hommes dont 30 000 tués pour la semaine du 16 au 25 avril.
Bien que le général Nivelle ait promis que l’offensive durerait 24 heures, 48 heures maximum, elle se poursuit durant des semaines.

La poursuite de l’offensive du 16 avril au 24 octobre 1917

Trois vues d’une attaque française à Craonne en mai 1917, dans le secteur du village de Corbeny.
Du 17 avril au 21 avril
Le 17 avril : à l’offensive sur le Chemin des Dames, s’ajoute une nouvelle attaque à l’est de Reims dans le secteur de Moronvilliers. Sur le Chemin des Dames, le fort de Condé et le village de Braye-en-Laonnois sont pris par les Français. Entre le 18 avril et le 21 avril : c’est maintenant au tour de la Xe armée, celle de réserve, de passer à l’attaque. Elle va engager le 9e et le 18e corps, sur la partie est du Chemin des Dames, entre Craonne et Hurtebise. Le 20 avril : suspension provisoire de l’offensive.

Du 22 avril à la bataille des Observatoires
Le 22 avril : il est décidé d’arrêter toute offensive massive au profit d’offensives partielles.

Le 29 avril : remaniement dans l’état-major. Le général Mangin est relevé de son commandement.

Le 30 avril : l’offensive reprend sur les monts de Champagne.

Le 4 mai : le 18e régiment d’infanterie se lance à l’attaque du village de Craonne à 18 h. Cette attaque surprend les Allemands, le rebord du plateau de Californie est pris.

Le 5 mai : le 18e régiment d’infanterie attaque avec le 34e régiment d’infanterie pour consolider les positions sur le plateau. Les Français réussissent à prendre pied sur le plateau mais ne peuvent déboucher sur l’Ailette. Les pertes s’élèvent autour de 800 hommes pour le 18e régiment d’infanterie entre le 4 et le 8 mai et plus de 1 100 hommes pour le 34e régiment d’infanterie. La Xe armée attaque les plateaux de Vauclair et des Casemates. Le même jour, une offensive est lancée sur Laffaux par le 1er Corps d’armée coloniale : les ruines du moulin sont prises.

Le 8 mai : nouvelle suspension de l’offensive.

Le 15 mai : Le général Pétain remplace Nivelle. Le gouvernement est au courant des premiers actes de désobéissances.

Du 20 mai à fin juin : le front est secoué par les mutineries qui affectent plus de 150 unités. Ces refus d’obéissance concernent des troupes au repos que l’on veut renvoyer à l’assaut.

Le 4 juin : à la demande du général Maistre, commandant de la VIe armée, les offensives prévues en juin sont ajournées à cause des mutineries15.

Seconde quinzaine de juin : une grande contre-offensive allemande est lancée à la suite des informations sur les mutineries.

Le 25 juin : la 164e division d’infanterie s’empare de la caverne du Dragon. C’est le début de la bataille des observatoires qui dure tout l’été. Il s’agit d’un ensemble d’opérations pour contrôler des points hauts du Chemin des Dames.

La victoire de La Malmaison (23-25 octobre)

Le 23 octobre : une offensive, préparée par le général Pétain remplaçant du général Nivelle depuis le 15 mai, est lancée sur le fort de la Malmaison qui contrôle l’accès sur la crête du Chemin des Dames. La préparation d’artillerie a été massive et parfaitement coordonnée. Quand les troupes des 11e, 14e et 21e corps d’armée s’élancent, protégées par le barrage roulant de l’artillerie, les défenses allemandes sont déjà bien atteintes. Les chars sont de nouveau utilisés mais, cette fois, ils sont plus légers, plus rapides et attaquent frontalement en protégeant les fantassins. La victoire française est nette : les Allemands comptent 8 000 tués, 30 000 blessés et 11 500 prisonniers16. Cette victoire ne peut faire oublier le dramatique échec de la bataille du Chemin des Dames, mais elle consacre une nouvelle stratégie offensive reposant sur l’utilisation massive de matériel moderne (artillerie, chars), concentré sur un point précis du front avec des objectifs limités dans l’espace et le temps, économisant ainsi les moyens humains. L’armée française attaque des positions stratégiques, infligeant de lourdes pertes à l’ennemi qui, trop sûr de sa force, s’y accroche et entame une partie de ses réserves. Mais ces attaques font l’objet de critiques, car elles ne font pas significativement bouger la ligne du front français, à un moment où les Allemands obtiennent de grands succès contre les Russes et les Italiens.Battle of la Malmaison and german retreat from the chemin des dames october-november 1917

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